Le décalogue nous donne une indication précieuse pour savoir quel type de relation à nouer avec nos parents. Cette indication s’inscrit dans un ensemble plus large qui est celui des rapports à nos ancêtres.
Dans le premier cas il s’agit des vivants dans le second des morts, mais dans les deux il s’agit d’une même attitude. On la traduit par celle de respect, bien plus que de vénération, car honorer c’est rendre hommage avec des honneurs à décerner. C’est une sorte de décoration dès leur vivant et ou posthume qui est à décerner et presque peu importe si ceux qui nous ont précédés sont considérés comme de bons parents ou pas.
Et plus largement, dans cet honneur il s’agit du respect pour la génération précédente et toutes les autres.
Dans la tradition confucéenne le respect des parents est fortement mis en avant. Cela sert de toute évidence à assurer l’efficacité éducative dans la transmission du haut en bas, du maître au disciple, du père au fils, de la mère à la fille.
Dans la culture occidentale, fortement empreinte de christianisme et d’autres apports civilisationnels récents, la transmission s’effectue sous des angles multiples.
Certes, y reste prédominante la transmission verticale assurée par les parents. Mais celle-ci est mise en concurrence évidente avec d’autres influences extérieures, parmi lesquelles celle impulsée par la vision politique qui se traduit par la promotion d’un modèle véhiculant comme en France par exemple des valeurs républicaines.
Et si conflit d’intérêts il y a, les parents n’ont pas uniquement à faire face à cela : dès plus jeune âge leur progéniture est sous l’influence horizontale de leurs camarades d’école etc. Et cela met au défi de l’efficacité le projet éducatif parental.
Ce à quoi s’ajoute les influences de biais qui sont des mixtes de la verticalité et de l’horizontalité. On pourrait y mettre toutes les influences exercées dans les cadres de la vie associative culturelle, sportive etc. qui viennent en appoint et qui sont considérés comme un soutien souvent estimée indispensable à l’éducation parentale familiale et collective.
La communauté chrétienne fait partie de cet ensemble d’influence qui s’exerce à la croisée de la verticalité et de l’horizontalité. Elle propose sa propre manière d’accompagner les enfants et pas seulement eux, car elle s’adresse à tout membre, peu importe l’âge, l’état de vie, le statut social, professionnel etc. Et ceci peut être source de soutien fourni aux responsabilités parentales familiales et collectives, comme cela peut aussi être source de différents constatés et parfois transformés en conflits d’intérêts avérés.
Du point de vue biblique, le quatrième commandement du décalogue: Père, mère tu honoreras, vise essentiellement la contextualité de la chaîne du créé. Cette chaîne est amarrée dans l’incréé. Les trois premiers commandements du Décalogue portent sur Dieu lui-même : tu n’auras pas d’autres dieux que celui-ci, tu ne prononceras pas son nom en vain et tu sanctifieras le jour du Seigneur.
Si les deux premiers sont formulés sous forme négative, c’est pour signifier l’exclusivité et justement le respect dû à ce Dieu-là. Le troisième étant une exhortation à tenir compte de sa présence dans la vie quotidienne dont l’intérêt culmine dans le jour du Seigneur (on y reviendra sans doute une autre fois).
Ce détour explicatif a pour but de bien percevoir l’enracinement de la chaîne du créé dans l’incréé. C’est à la lumière d’une telle dépendance que l’on peut comprendre ce commandement, car il doit être lu comme une indication de la source elle-même avant tout et de la chaîne générationnelle par la suite.
Certes, dans le christianisme on s’en est largement servi pour asseoir une éducation à l’obéissance aux générations précédentes et à ce qu’elles représentaient y compris (voire dans certains milieux surtout) du point de vue de l’héritage matériel transmis à conserver et à accroître. Constant est le souci de transmission d’héritage dans tous les cas de figure, avec des variantes suivant les civilisations, cultures et religions.
Dans le sens biblique de ce commandement, on n’est pas d’abord dans la logique d’un souci purement éducatif. Même si ceci peut en découler de façon naturelle dans la mesure où la Bible considère Dieu qui se révèle à son peuple comme un pédagogue à l’instar d’un père qui désire voir sous son autorité ses enfants grandir, croître.
Ne dit-on pas en anglais rise pour signifier tout cela et même bien plus, à savoir la proximité avec le Christ ressuscité, risen again. L’œuvre du salut est non seulement identifiée dans la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur la haine, de la lumière sur les ténèbres, elle est aussi celle de la croissance de ceux dont on a la responsabilité. L’oeuvre du salut s’accomplit au quotidien, dans l’exigent accompagnement des autres vers plus de leur vie.
Si le quatrième commandement concerne la relation parents enfants, la réciprocité n’est pas à exclure, elle est même très nettement inclue. Car si nous sommes tous enfants de parents (et dans le sens biblique enfants de Dieu), parents biologiques et ou adoptifs, tous nous avons la joie de pouvoir participer à la responsabilité de notre génération à l’égard de la suivante.
Honorer père mère, c’est aussi respecter les enfants et leur monde. Et comme l’exprime cette formule lapidaire, nous ne laissons pas le monde aux générations futures, mais nous le leur empruntons. Il y va de l’écologie intégrale, mais de ceci c’est aussi pour une autre fois.
Bon dimanche et bonne semaine.