C’est la rentrée scolaire, et avec elle le démarrage du catéchisme. En France, c’est une activité qui est essentiellement assumée par des laïcs directement engagés dans l’accompagnement des enfants.
Transmettre les données de la foi chrétienne dans le monde actuel n’est pas une chose facile et le statut de catéchiste n’est pas reconnu à sa juste valeur. Classée parmi des activités bénévoles qui ne concernent que des petits groupes inégalement répartis sur tout le territoire du pays, la fonction de catéchiste est pratiquement ignorée de l’extérieur. Ceci est particulièrement visible en France, mais pas uniquement.
Non seulement la fonction de catéchiste est méconnue dans la société, mais elle l’est doublement. En partie par simple ignorance, mais surtout de façon délibérément dépréciative, comme dans le cas des références clichés aux boys scouts ou guidouilles d’Europe. Il est de “bon ton” d’agir ainsi. L’image d’une catéchiste (alors qu’il y a aussi des hommes) dans la culture générale de la société actuelle souffre d’une injustice évidente.
Même à l’intérieur de l’Eglise catholique la fonction de catéchiste n’est pas reconnue à sa juste valeur non plus. Et, en utilisant une litote, c’est plus gênant. Mais ce qui ne peut pas vraiment être modifié dans l’appréciation extérieure, doit l’être dans l’appréciation intérieure.
Le pape François vient de combler cette lacune en instituant le ministère de catéchiste. Le Motu proprio “Antiquum ministerium”, avec lequel le pape établit le ministère laïc de catéchiste, a été publié le 10 mai 2021.
Après avoir exposé les raisons et la manière de procéder, le pape statue :
En vertu de l’autorité Apostolique j’institue le ministère laïc de Catéchiste.
Et les indications concrètes concernant la manière de procéder pour l’institution de ce ministère laïc, selon le pape, doivent parvenir incessamment :
“La Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements veillera, dans les plus brefs délais, à publier le Rite d’Institution du ministère laïc de Catéchiste.”
Le mot ministère vient du latin ministerium et signifie service. Dans l’Église catholique on distingue entre ministère ordonné (le diaconat, le presbytérat et l’épiscopat) et des ministères institués, comme celui de lecteur, ou ministre de Communion, visiteur de prison, etc.
Les quatre aumôneries : scolaire, d’hôpital, de prison et militaire peuvent actuellement être assurées, soit par des prêtres ou des diacres permanents, soit des religieux ou des religieuses, ou encore des laïcs.
Si les trois premiers sont donnés à vie et marquent une empreinte indélébile sur la personne, les autres, dont celui de catéchiste, sont souvent temporaires et concernent un domaine bien spécifique.
Le pape présente le ministère de catéchiste comme “une urgence pour l’évangélisation du monde contemporain”. Cela correspond à l’impulsion donnée par le deuxième concile de Vatican (1962-65). Concile qui accorde une importance majeure à la place active des baptisés dans l’annonce de la foi par l’enseignement et le témoignage de vie.
Concile, dont le patron officiellement déclaré par le pape Jean XXIII et confirmé par son successeur Paul VI, n’est quelqu’un d’autre que le fondateur de ma congrégation, saint Vincent Pallotti, canonisée lors du concile en janvier 1963. Vincent Pallotti était connu pour son engagement en faveur de la promotion de la place active de tout baptisé dans la vie de foi et donc de vie missionnaire.
Isabella Piro, journaliste à Vaticannews nous informe sur la teneur de la décision du pape François en énumérant les points importants du document :
– « Fidélité au passé et responsabilité pour le présent » sont « les conditions indispensables pour que
– L’Église puisse accomplir sa mission dans le monde »
– Face aux défis rencontrés par l’Église, son objectif est d’avoir une vision claire de l’avenir.
– Dans le contexte de l’évangélisation du monde contemporain et face à « l’imposition d’une culture globalisée », en effet,
– « Il est nécessaire de reconnaître la présence de laïcs, hommes et femmes, qui, en vertu de leur baptême, se sentent appelés à collaborer au service de la catéchèse ».
– L’importance d’une « rencontre authentique avec les jeunes générations », ainsi que «la nécessité de méthodologies et d’outils créatifs qui rendent l’annonce de l’Évangile cohérente avec
– La transformation missionnaire de l’Église ».”
Je vous propose de suivre cette liste de thèmes identifiés dans les expressions mises en gras par moi-même. Et de présenter, avec une insistance inégale, chacun de ces différents objectifs lancés par le pape.
On peut les classer en trois groupes d’objectifs. La première porte sur les données objectives, qui ne sont pas à discuter, qui se laissent seulement à constater.
Un autre groupe est composé d’éléments nouveaux et le troisième, intermédiaire entre les données à ne pas discuter et leur contextualisation.
Les premiers constituent le rappel des données de l’identité chrétienne générique :
-fidélité au passé et responsabilité face au présent,
-la mission de l’Église dans le monde,
-la transformation missionnaire de l’Église.
Les seconds portent sur la nouveauté :
-reconnaissance du ministère des laïcs
-constat d’une culture globalisée.
Les troisièmes s’appuient sur les deux précédents. :
-une vision claire de l’avenir
-la rencontre authentique avec les jeunes générations
-des outils créatifs.
Je vais les développer de façon inégale du point de vue de la longueur du commentaire et de l’importance qu’il y est à accorder.
Le premier objectif- qui sera donc le plus long c’est la fidélité au passé et la responsabilité face au présent. Il s’agit d’y revoir le sens de l’identité chrétienne et son inscription dans l’histoire. L’identité chrétienne de base s’exprime au travers la dynamique vitale agissant sur le temps et sur l’espace.
1 La fidélité au passé et la responsabilité face au présent, sont deux vecteurs temporels de la vie de toute institution. La fidélité au passé est le gage de la responsabilité face au présent. Un tel regard fait apparaître avant tout le paradigme de continuité. C’est vrai pour le christianisme et ses racines juives. C’est vrai pour toute institution qui dure et traverse les siècles.
La catéchèse s’inscrit dans la continuité de la Tradition de l’Église qui l’emporte sur les ruptures fournies par les traditions locales ou temporelles. La catéchèse est le garant du paradigme de continuité. Il peut y avoir différentes façons de la concevoir et de la réaliser.
Se référer au livre que l’on appellera le catéchisme ne date que du 16 siècle. Et depuis, il y a eu de nombreuses propositions catéchétiques sous forme d’un tel livre.
Les dernières en date en France sont construites selon le principe de modules, articulant la fidélité au contenu avec la souplesse de méthodes y compris dans l’approche des situations des enfants et de leur contexte familial du point de vue du rapport à la religion et la structure familiale.
L’Église catholique évolue dans ce domaine tout en gardant le cap sur l’annonce de l’espérance. Évolution n’est pas signe de rupture, mais de modification. Ceci est vrai même pour les grands changements identifiés comme paradigme de rupture.
Des exemples des prétendues ruptures institutionnelles de façon générale, et même dans l’Église, qui de fait ne sont que des formes nouvelles de continuité, ne manquent pas. L’histoire de l’humanité en est pleine. La chaîne de l’évolution de notre espèce s’inscrit dans cette logique.
L’exemple de la nouveauté apportée à l’histoire de la France dans la Révolution française montre très clairement l’existence du paradigme de rupture qui ne cesse de s’accomplir en présence d’une persistante continuité, plus ou moins clairement assumée.
L’élu du peuple, comme le président de la République ou le maire d’une commune, est ainsi établi pour représenter le peuple, au lieu d’un monarque qui est du droit divin, lui et ses prévôts. Celui-ci du droit positif, bien humain, garde bien de prérogatives réservées autrefois à la monarchie du droit divin. La raison d’État ou les régimes spéciaux en sont des exemples.
Le christianisme a toujours gardé une place prépondérante pour l’enseignement de la foi. La transmission se fait par l’engagement des tous ceux qui se considèrent comme adultes dans la foi. Le pape rappelle l’enracinement biblique de cet Antiquum ministerium.
Un de plus ancien texte du nouveau testament en fait état au côté de deux autres fonctions structurant les premières communautés :
“Premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner” 1 lettre aux Corinthiens, 12, 28-31.
Et Luc introduit son évangile en s’adressant à son cher Théophile en lui dédiant :
“un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus » (Lc 1, 3-4).
En se référant à saint Paul, le pape complète l’essentiel du tableau montrant cet enracinement biblique « Celui qui reçoit l’enseignement de la Parole doit donner, à celui qui la lui transmet une part de tous ses biens » (Ga 6,6).
En y ajoutant son commentaire :
“Comme on le remarque, le texte ajoute une particularité fondamentale : la communion de vie comme caractéristique de la fécondité de la véritable catéchèse reçue.”
C’est une diaconie indispensable pour l’Église. En d’autres termes, il n’y a pas de catéchèse sans intégration communautaire, la difficulté majeure que même l’enseignement catholique en France (et dans d’autres pays sans aucun doute) ne parvient pas à enlever.
2 La mission de l’Église dans le monde est celle d’être signe de l’amour de Dieu pour tous. La catéchèse doit ouvrir à cette dimension, en rendant sensible aux situations de détresse matérielles, humaines et in fine spirituelles. Cela se pratique un peu partout, notamment à l’approche de Noël et de Pâques.
3 La transformation missionnaire de l’Église est nécessaire à cause de la nouvelle approche à trouver auprès de jeunes générations. Cela ressemble à la transformation écologique.
De même que la qualité de l’environnement naturel est indispensable pour une vie physiquement saine, de même la bonne qualité de rayonnement missionnaire est une conséquence nécessaire d’une bonne vie de foi.
4 La reconnaissance du ministère des laïcs est l’objectif qui constitue le cœur du document. Il porte sur la nouveauté, plus exactement la reconnaissance formelle d’une réalité aussi ancienne que le christianisme. Car la Tradition d’enseigner la culture chrétienne par l’initiation à la vie fondée sur la foi est une constante naturelle. L’importance de cette tradition-là est rappelé par le dernier concile.
Le pape constate à ce sujet :
“Depuis le Concile œcuménique Vatican II, l’Église a senti avec une conscience renouvelée l’importance de l’engagement du laïcat dans l’œuvre d’évangélisation. Les Pères conciliaires ont souligné à maintes reprises combien il est nécessaire pour la « plantatio Ecclesiae » et le développement de la communauté chrétienne d’impliquer directement les fidèles laïcs dans les différentes formes par lesquelles leur charisme peut s’exprimer.
Elle est aussi digne d’éloges cette armée qui a si bien mérité de l’œuvre des missions auprès des nations, celle des catéchistes hommes et femmes qui, pénétrés d’esprit apostolique, apportent par leurs lourds labeurs un concours…” no 4
La nécessité d’une telle reconnaissance s’inscrit dans la mission de tout baptisé, et la décision du pape François, comme déjà constatée, vient combler le manque.
5 Le constat d’une culture globalisée est un facteur accélérant la décision du pape. Dans la culture globalisée tout est mis à égalité dans les informations qui circulent et qui façonnent les esprits, sans que l’on sache la source et donc la valeur véritable.
Permettre aux catéchistes d’acquérir une reconnaissance institutionnelle, fait identifier la source d’autorité au nom de laquelle ils agissent. Rehausser institutionnellement le statut de catéchiste, c’est par une telle reconnaissance lui donner plus de visibilité et de pertinence dans l’accompagnement de sa mission.
6 Une vision claire est alors indispensable, tout en sachant que c’est l’Esprit Saint qui indique le chemin par où passer pour accomplir la mission de catéchiste. Cela suppose d’inscrire la catéchèse dans un parcours cohérent dont la dynamique est soutenue par la pédagogie de progression.
7 C’est à ces conditions que la rencontre authentique avec les jeunes générations peut avoir lieu. Le pape n’ignore pas à quelle vitesse les nouvelles générations grandissent sans lien véritable avec la culture chrétienne et très souvent dans une ambiance de suspicion voire d’hostilité à l’égard de l’Église et du christianisme en général.
La sécularisation et l’individualisme continuent à creuser le fossé et les nouvelles technologies de communication s’invitent comme leurs alliés naturels. L’Église doit pouvoir savoir comment saisir l’opportunité qui lui vient de la société civile, pour élargir son dispositif missionnaire toujours à adapter.
8 Choisir les outils concrètement adaptés n’est qu’une simple conséquence.
Instituer le ministre de Catéchiste c’est se donner cet outil indispensable.
Dans l’attente des indications concrètes pour savoir comment procéder, la prière est de mise. Prière vécue dans l’attitude de bienveillance et de gratitude pour ces si nombreux adultes engagés dans la transmission de la foi. Et la reconnaissance de leur mission favorise la croissance de la foi chrétienne.