Annoncée pour septembre 2021, la fin de règne est proche pour la Chancelière allemande, élue en 2005. Si elle fait pratiquement aussi bien que Poutine et Loukachenko, sur la longévité, elle au moins a fait face à de vraies élections avec des rivaux politique. Et avec 86% d’opinion favorable, Angela Merkel peut se targuer de ne jamais être descendue en-dessous des 50%. Mais alors à quoi peut bien tenir son succès ?
Elle pourrait d’abord s’expliquer par sa faculté à sa capacité à être centriste, et notamment se déjuger si cela est nécessaire. Si on peut retenir la relance puis l’arrêt du nucléaire ; le sauvetage à l’arrachée de la Grèce ; l’accord sur une mutualisation des dettes, ou encore l’avion de combat franco-allemand, les Allemands, eux, ont eu droit à d’autres décisions emblématiques. La création d’un salaire minimum ; la retraite à 63 ans après 45 ans de cotisation ; mais aussi le mariage pour tous. Angela Merkel a alors passé des accords avec le rival du SPD – négociés pas à pas, mais avec une décision forte sur chaque sujets chauds – mais aussi vu une montée en puissance de sa droite (l’AFD) et de forte contestation au sein de son parti (CDU). Ce sont d’ailleurs certains leaders de son parti qui la poussent vers la sortie. Ce n’est donc pas vraiment un argument qui l’a poussée vers le succès.
Pas plus que son style. Elle porte les mêmes costumes, aux couleurs plutôt ternes, depuis 15 ans, et sa personnalité « méticuleuse, lente et pas super funky » comme la décrivait Jean-Marc Ayrault, n’a pas fait soulever les foules. Ses discours sont dénués de lyrisme, ne prétend à aucun dessein, et ne fait peur à personne, ne fait rire personne, et n’a jamais cherché à séduire personne. Elle fait donc simplement son travail, « fiable, honnête, intellectuellement précise, une belle personne », comme a pu la décrire Barack Obama dans ses Mémoires. Seule description concédée à une cheffe d’Etat.
Sa simplicité et sa sobriété, qui l’a font continuer à faire ses courses au supermarché, lui ont empêché de prendre un appartement de fonction et avoir un mari discret, lui ont valu de passer du surnom de « la fille » – donné par Helmut Kohl, à « Mutti », qui en allemand signifie « maman ». Alors, cette fille de pasteur, première chancelière, et cheffe d’Etat à venir de l’Est, divorcée, sans enfant, et remarié à un scientifique, a trusté 13 années (sur 15), la place de femme la plus puissante du monde, selon le magazine FORBES.
Mais notons aussi qu’Angela Merkel a aussi été la Chancelière des crises, depuis son arrivée au pouvoir : celle du rejet de la Constitution Européenne par les Français et les Néerlandais ; de la crise financière (2008) ; la crise grecque ; des migrants ; de la crise ukrainienne ; celle de la Crimée ; et enfin du coronavirus.
Pourtant, l’Allemagne n’a jamais été aussi puissante et respectée que sous le règne d’Angela Merkel. Les succès sont économiques, budgétaires, démocratique, social, mais aussi sanitaire. Avec un nombre de décès par habitant, presque 6 fois et demie moins important qu’en France, ce qui a permis à l’économie allemande de dévisser deux fois moins vite que chez nous.
Enfin, si l’on se penche sur les trois femmes d’influence en Europe (Angela Merkel, Ursula Von der Leyen, et Christine Lagarde), toutes ont en commun une absence d’esbrouffe, de lyrisme, de promesse et de séduction. Loin des excès des guides suprêmes ou des « hommes forts ». L’inverse du populisme, de l’autoritarisme, et des certitudes vite démenties, propre au complexe du mâle dominant. Reste donc, chez nous, à trouver notre Angela Merkel. L’espèce se fait rare…