Je lance un avis de recherche, je cherche des vrais athées, qui sont dans une rationalité à 100%. Sans pour autant être atteints d’un syndrome maladif quelconque. Des gens ordinaires. Ni religion, ni croyance, ni autre superstition. Ni Dieu, ni diable, rien de tout cela, selon eux, des pauvres gens sans défense accablante. Seulement l’homme avec son univers au centre. 

Ou plutôt l’univers au centre de lui-même avec son mystérieux habitant, l’homme. Et s’il est mystérieux, ce n’est pas pour bien longtemps. Les supercalculateurs produits par l’intelligence artificielle sont sur les traces de toutes les zones d’ombre, zones grises pour débusquer ce qui s’y cache et résiste encore à la révélation de la connaissance. Tout en étant conscient qu’il y aura encore d’autres composantes de ce mystère de l’homme et de l’univers à découvrir et à cataloguer. Sans jamais se décourager.

 

Je sais qu’il en existe, et de différentes sortes : 

-ce qui ne croient pas à ceci (Dieu et ses prétendues révélations),

-ce qui croient à cela (nous sommes tous connectés avec l’univers et cela nous appelle à la solidarité), 

-ce qui ne croient, ni à ceci ni à cela. A quoi croient-ils, ceux-là ?

 

Pourtant, tous croient en quelque chose (l’homme et sa beauté). On ne peut pas vivre sans croire en ce quelque chose. On ne peut pas non plus mourir le plus sereinement possible, sans croire qu’après il y a quelque chose, ou croire qu’il n’y a rien, et que cela ne nous fait rien. De quoi est-il fait, ce rien ?

 

En réalité, je ne cherche pas tant des vrais athées. Qui peut savoir qui ils sont et où ils se trouvent ? Ceux qui se considèrent comme tels, souvent bien clairs dans leurs déclarations, le sont moins dans la vraie vie. A moins de s’obstiner à démontrer la fidélité à une idée que l’on s’est faite un moment donné de la vie. Le raisonnement se terminant là. Or, la vie continue. Et pour survivre, ils reprochent aux croyants d’être atteints d’une sclérose en plaque reposant sur la conscience et sur la volonté, une sorte de gangue qui empêche de respirer joyeusement, profondément, l’air détoxiqué, lui aussi, pur de la vie. 

 

Mais ce reproche, celui de la fossilisation de convictions qui soutiennent, encadrent, conditionnent la religion chrétienne peut aussi concerner les croyants de toute religion. Et au combien. Personne n’y échappe.

 

Dans ce processus de fossilisation, la suite n’est faite que de toute une chaîne d’apologies pour prouver la fidélité à sa vérité, cette vérité-là. C’est comme dans les cas des croyants déclarés qui, une fois ayant compris la force de la conviction religieuse, ne chercheront que de prouver qu’ils ont raison. Une apologie contre une autre apologie. La guerre des tranchées sur le fond de dispute de territoires que l’on désire exclusifs, celui de la raison ou celui de la foi. Et parfois la métaphore de la guerre de tranchées devient une réalité.

 

En fait, je cherche des gens qui ne pensent pas comme moi. Pas tous ceux qui ne pensent pas comme moi, car personne ne pense pareil, chacun apporte sa gamme de nuance pour composer soit l’arc en ciel, soit une luminosité ténébreuse entraînée par de dantesques bourrasques. Je cherche avant tout ceux qui sont diamétralement opposés à ma manière de penser. Dont j’espère pouvoir apprendre beaucoup sur ma manière de croire et de vivre. J’espère me laisser éclairer par leur lumière, car même dans leur refus de croire, ils se laissent éblouir par la lumière et répondent à un appel à quelque chose de plus grand que ce qu’ils sont. Appel que je reçois comme mission de re-connaissance. Et cela m’intéresse, non pas dans le but utilitariste quelconque (même et surtout apologétique !), mais dans le désir de communion avec tout le bien qui nous habite tous. 

 

Face à la rationalisation promue par les sciences physiques, le croyant est considéré comme un attardé mental, à qui il manque une case. Ou plutôt qui a une case en trop.

Une case sans utilité aucune, une sorte d’appendice qui ne sert plus à rien. L’évolution de l’espèce humaine vers l’âge mature est en très grande progression. Comme pour le corps physique qui, une fois atteinte la maturité de la croissance, n’a plus besoin d’appendice, de cet organe qui dans l’enfance et dans l’adolescence sert de poubelle pour les déchets qui, sans pouvoir être éliminés, y sont stockés pour prévenir le danger de polluer le corps.

 

“Mon temps n’était pas encore venu”, disait Jésus durant toute sa vie jusqu’à l’avant de sa passion. Mais lors de la passion, il a ouvertement déclaré que son heure était finalement venue. Heure pas vraiment joyeuse, car c’est l’heure d’une terrible épreuve. Celle de la fidélité à et par amour (pur). De façon similaire l’heure est venue pour l’émancipation juvénile qui entraîne la remise en question de bien des croyances. Pour les remplacer par d’autres, considérées comme étant nouvelles, car fraîchement découvertes et chaleureusement accueillies. 

 

De son côté, le croyant face à ce même mystère, celui de l’homme qui cherche et qui se cherche, est considéré par les autres comme un faible. De fait, il se trouve en position de faiblesse. Sa croyance est un aveu d’impuissance, comme s’il voulait la cacher pour noyer le poisson dans une mare primordiale de l’imaginaire collectif, d’où est sorti le vivant. Et ses croyances.

 

La défaite du Nouvel Athéisme est le titre d’un post sur Internet qui le constate, appuyé sur les dernières observations de la vie sociale dans ce domaine. Je propose de voir de plus près cette affirmation pour savoir comment cette nouvelle vague éclaire, éclabousse, écrabouille les croyances rattachées aux religions. Et comment cette défaite du nouvel athéisme annoncée est finalement loin d’être confirmée. 

 

Si je spécifie les croyances attachées aux religions, c’est pour les distinguer des autres croyances, personnelles, individuelles ou partagées avec d’autres, mais de façon diffuse, sans pouvoir identifier les contours nets d’appartenance et de contenu. Mais aussi pour les distinguer de celles qui sont appuyées uniquement sur les données scientifiques. Les croyances scientifiques sont liées aux modélisations que l’on invente pour comprendre l’univers et ses habitants. Au fond, il s’agit d’un transfert de compétences d’une religion à l’autre. Cette théorie est bien connue, et sa mise en pratique se fait sentir partout sous tous les tropiques. La laïcité à la française y excelle.

 

Dans le Nouvel Athéisme, il s’agit de reprendre les réflexes acquis dans les religions, pour en modifier l’orientation. Plusieurs communautés composées uniquement d’athées déclarés (Ni Diable, ni Dieu) se réunissent pour vivre un moment convivial. Tout y est, ou presque, comme dans une église, une synagogue ou une mosquée, ou encore un temple bouddhiste. La rencontre, la fraternité, la détente, l’entraide, le silence, les chants, les lectures, les partages, les méditations… Une d’entre elles se réunit à Londres dans une église désaffectée. Les gens viennent tous les dimanches, comme autrefois ils venaient à la messe. Mais c’est la “messe” sans aucune référence à la foi en Dieu. 

 

Tout est balayé par le rationalisme qui devient la pierre angulaire du dogme de la non-foi. Ainsi, les adeptes des religions sont déficients intellectuellement.

Le slogan publicitaire suivant le démontre : Les adultes ayant un ami imaginaire sont stupides. (Voir citation de Dowkins chez Denise Helly, La peur de l’Islam, archive). C’est une approche essentialiste, la plus radicale qu’il soit dans la panoplie des positionnements en la matière. 

 

Ce qui est intéressant d’observer, c’est la naissance du mouvement. Tout est parti du traumatisme provoqué par les attentats du 11 septembre 2001. Une étincelle suffit pour embraser toute une génération de scientifiques et autres penseurs et leaders charismatiques. Un traumatisme qui dans la critique frontale provoque d’autres traumatismes. Pour en faire un nouveau paradigme. Une sorte de planche de surf pour épouser la vague de l’histoire. Une véritable scélérate qui va dévaster tout sur son passage, tout ce qui est nocif. Et on va y survivre dans les creux des rouleaux majestueusement cabrés pour protéger les vraies capables. Car le miracle de la séparation entre les eaux pour passer à pieds secs aux adeptes d’une telle libération, va se produire. C’est certain, c’est écrit, c’est une question de temps.

 

Philosophe (des religions) français, Michel Onfray est connu pour sa critique de la religion chrétienne et du catholicisme en particulier. Quand on sait la raison de son positionnement -il était malmené dans son enfance-, cela n’est presque plus étonnant. Pourtant, Onfray conteste cette critique essentialiste des anglo-saxons jusqu’au boutistes : « Cette façon qu’a Dawkins d’ironiser sur les croyants (attardés mentaux) qu’il prend pour des gens sous-informés en négligeant le fond psychologique, l’angoisse, la peur de la mort, me semble mal venue”. “À quoi s’ajoute, poursuit-il, cette manière très xixe siècle de mobiliser la science pour prouver l’inexistence de Dieu… »[15]. En effet, Onfray soutient l’hypothèse marxienne : « Dieu existe, mais comme une fiction rendue possible par l’angoisse existentielle. »[16] 

 

C’est ce qu’avancent aussi les religions elles-mêmes. Elles le font sans nier, ni se cacher derrière des résolutions accommodantes pour devoir se confondre dans les explications. Oui, les religions, entre autres, faisant baisser la pression, favorisent la diminution de l’angoisse existentielle. Mais pas toujours. Parfois, elles la font croître, au contraire. Les scrupuleux et autres âmes sensibles à l’égard du feu de l’enfer sont les premières victimes des gourous des religions. Mais là aussi, comme souvent et pour des raisons d’éducation, on va prétendre qu’un petit feu d’enfer imaginaire n’a rien de mal dans ce processus. Et pendant ce temps, les autres rigolent.

 

L’obligation de passer par le respect strict de la loi (même si la miséricorde est présente tout au moins dans les trois religions monothéistes, mais de façon non exclusive, car c’est la marque, quelque part, de toute religion) semble le chemin inévitable pour s’affranchir d’une telle angoisse, cette fois-ci ayant pour origine la religion elle-même. Et alors cette nouvelle angoisse, à caractère religieux, renforce l’angoisse existentielle. La peur d’être damné était (et pour une large part demeure) un moteur efficace pour alimenter les efforts à faire tout son possible pour y échapper. Avec les effets que l’on connaît, certains s’en souviennent encore et en sont stigmatisés.

 

En revanche, veiller sur l’épanouissement personnel et harmonieux, sans stress ni obligation autre que se faire du bien est au centre des préoccupations des nouvelles communautés. Car des sociétés entières dans leur ensemble en sont friandes. Comme toujours, à la mesure des moyens dont on dispose pour y parvenir. Le besoin de bien être est pris au sérieux partout, et pas exclusivement pour des raisons pécuniaires ou de paix sociale. On va s’appuyer sur des techniques surtout asiatiques (yoga etc) pour répondre le plus sereinement possible à de tels besoins. Toute technique est bonne dans la mesure où elle améliore non seulement le bien être personnel, mais conjointement le bien être relationnel, celui de la société dans son ensemble. C’est un point de vue chrétien, mais pas uniquement.

 

La défaite du néo athéisme, déjà déclarée comme telle, d’après la note sur Internet, est due au fait qu’il est impossible de créer un mouvement fondé sur un message négatif : Dieu n’existe pas.

Le manque d’un programme positif, et même s’il apparaît parfois, n’a pas de fondations solides. Il ne répond pas non plus aux questions essentielles posées par l’homme.  

 

Comme mentionné, le mouvement est apparu au début des années 2000 dans le sillage formé par le traumatisme des attentats du 11 septembre 2001. Il prend corps à la suite de la publication de livres qui sont une sorte de manifeste délivrée par les scientifiques et écrivains. Publication en 2004 du livre La fin de la foi : religion, terreur, et le futur de la raison, de Sam Garris et la première d’une série de bestsellers dans ce domaine. Harris, déjà cité, choqué par les attentats du 11 septembre 2001, dans son livre, critique l’islam, mais conjointement avec le christianisme et le judaïsme. Est-ce pour étaler sur l’ensemble de la surface des trois religions monothéistes la confiture préparée d’abord par les soins d’une réaction émotionnelle à l’égard d’une d’entre elles ? En 2006, Harris publie un autre livre Lettre à une nation chrétienne qui est une critique sévère du christianisme. Un autre, déjà mentionné, Richard Dawkins publie Pour en finir avec Dieu (Éditions Perrin, 2009).  

 

Rien que ces trois publications marquent trois étapes successives du règlement de compte avec ce qui est nuisible. Le programme est annoncé, il reste à passer à la réalisation. Mais pour cela, il faut le maximum d’adeptes à rallier à de telles thèses, ce qui ne semble pas trop difficile, et peu importe la forme que cela va prendre dans le futur proche ou lointain.

 

Le Nouvel Athéisme surfe sur une vague porteuse. Ses promoteurs savent très bien qu’ils auront une audience et une adhésion massives à leurs idées, quasiment sans faille. Peu importe, s’ils s’organisent autour d’un projet positif ou pas, les deux scénarios sont possibles pour continuer à construire un nouveau monde. Sans pouvoir laisser quiconque rester dans un état latent, comme une lame de fond, le mouvement va continuer à creuser son sillon. 

 

Ce qui apparaît très clairement au travers de cette “radicalisation” des points de vue sur les religions, c’est que l’on cherche à tout prix à échapper à l’emprise d’une autorité supérieure de quelque nature que ce soit. On devient enfin libéré et on accède à la vie d’adulte. C’est tout au moins dans le monde occidental. Même si l’image de Dieu (celui de l’imaginaire) peut toujours servir a quelque chose, (Onfray), à long terme, il est voué à disparaître. Servir Dieu se transforme en servir l’homme. Dieu sert l’homme, cette équation s’oppose radicalement à l’autre, selon laquelle l’homme sert Dieu. Et si toutefois, dans le christianisme, comme dans toute religion où les divinités sont au service de leur adeptes fidèlement soumis, Dieu sert l’homme pour le nourrir de sa présence. Corps du Christ ! Amen ! Et peu importe si ce Dieu est le produit de l’imaginaire ou non.

 

Toute l’évolution de ces dernières décennies est tournée vers la recherche pour savoir comment être le mieux servi. L’utilité devient le dernier mot d’ordre. Tout ce qui n’est pas utile doit disparaître. Ou tout au moins réduit au silence.

 

Selon la note sur le Nouvel Athéisme, ceux qui abandonnent la foi ne sont pas plus heureux, sans souci. Cette affirmation est à pondérer, car le bonheur se mesure à l’aune des besoins. On sait que le poisson rouge semble heureux dans son bocal.

 

En revanche, le constat suivant me paraît être très juste. La disparition de la religion de la société occidentale n’est pas synonyme de la victoire de la science sur les réflexes superstitieux. Au contraire, cela provoque une résurgence d’une multitude de sortilèges ou idéologies, dont, d’après l’auteur de la note sur Internet, « le fanatisme fervent pareil à l’ignorance ».  

 

Pour poursuivre la réflexion, les quatre auteurs Richard Dawkins, Daniel Dennett, Sam Harris et Christopher Hitchens (dont deux déjà cités) fournissent une bibliographie abondante pour se faire une opinion. Le processus de sécularisation interroge ceux qui s’en défendent et les invite à prendre en compte cette dynamique avec laquelle il y a à apprendre à cohabiter. 

La cohabitation à la française entre la religion et la laïcité se fait à armes égales, entre deux religions. « La laïcité est devenue une religion civile », estime l’historien Vincent Genin.

Entre la loi de 1905 et aujourd’hui, la laïcité est passée d’un principe de séparation entre l’Église et l’État à une valeur quasi dogmatique dans la société. Au-delà de l’histoire passionnante qu’il livre, l’historien Vincent Genin alerte sur les risques d’une dérive. Cette note trouvée dans un journal renseigne suffisamment sur l’athéisme qui se meut en religion. Cela ne pouvait pas se terminer autrement. Est-ce un mal nécessaire pour le christianisme qui, ainsi titillé, a besoin de s’interroger sur son identité et sa raison d’être.

 

Tant qu’il a une telle interrogation, il y a une chance que le christianisme se maintienne dans sa pureté originelle : amour, pardon et vie éternelle. Et la question de Jésus : quand le Fils de l’Homme reviendra sur terre, trouvera-t-il la foi ? prend tout son sens.

 

Internet : La défaite du Nouvel Athéisme [Grzegorz Górny]  

Vincent Genin, Ouest France, 26 mai 2024, Entretien,