Homo homini, Régler, dérégler, ré-régler.
Depuis que Homo homini lupus est, tous les coups sont permis. Évidemment homo homini n’est pas que cela, mais les jeux d’influences, qui se déroulent souvent à l’arrière boutique de la scène de la vie relationnelle, emprunts d’intérêts commerciaux les plus divers, directement financiers ou pas, sont souvent féroces.
En comparaison avec les années précédentes durant la pandémie rien qu’à Hong Kong les cas des arnaques, par exemple par téléphone, ont considérablement augmenté. Comme dit le philosophe la méchanceté des gens mauvais se nourrit de la bonté des gens bons, et force est de constater, la naïveté en fait partie.
Et pour la naïveté, qui d’entre nous ne s’est jamais fait prendre dans une affaire de petite arnaque sans trop de conséquences pour le budget, mais tout de même. C’est une sorte d’impôt involontaire ainsi payé par manque de vigilance. Et les bénéficiaires peuvent se dorer la peau sous les azurs de leur choix. L’impôt, malgré tout et malgré nous, bien que consentants, est concédé ‘à la régulière’ après avoir consenti dans notre naïveté à vouloir bien faire.
Qui d’entre nous n’a jamais reçu de message envoyé d’une adresse mail d’un de nos amis ou connaissances pour le dépanner en urgence. Un de mes confrères a failli le faire, avoua-t-il plus tard. Et qui n’a pas reçu un message de la part d’une généreuse veuve éplorée de la disparition de son cher époux, mais consolée par une fortune que celui-ci laissa pour la partager avec des oeuvres de charité les plus proches de votre coeur sensible à la misère.
Selon Voltaire, Rousseau et leurs compères, l’homme est naturellement bon et dans cet axiome il y a un brin de nostalgie du paradis perdu. On en rêve tous indépendamment de nos convictions religieuses et/ou politiques. Le bien-être à apporter pour doter la vie sur terre d’un tel sentiment, le plus durablement possible, répond à une aspiration bien naturelle.
Et le ciel avec son paradis n’en pourra être ni inquiet ni jaloux, il cherchera seulement à se faire reconnaître pour faire le lien, la connexion entre la terre et lui. C’est le propre de toute religion que de vouloir relier les deux, la terre et le ciel. Qui se plaindrait sur terre d’une telle constellation heureuse qui apporte du bonheur des deux côtés?
Mais pour que Homo homini amicus sit il y a quelques règles simples mais précises à suivre. Le Décalogue les résume toutes et pour les appliquer on peut les décliner presque à souhait. Le presque contient la distinction entre homo bonus et lupus malus. Une de ces règles est : tu ne voleras pas. On peut voler de différentes manières et pas seulement de l’argent.
La seule chose que l’on ne pourra jamais voler à quelqu’un c’est sa dignité de homo bonus. Et ne me demandez pas qui bono? C’est inscrit dans la nature humaine que de vouloir tendre vers le bien, même si, souvent, cela prend un chemin bien tortueux voire jugé opposé.
C’est du dérèglement dû au péché des origines dans la générosité matérielle et spirituelle que je suis en train de parler. Cela nous pose deux sortes de problèmes auxquels nous sommes confrontés quasi quotidiennement.
Le premier est celui du chrétien que nous sommes, le second est celui de la régulation sociale que le système politique met en place. Dans le développement proposé je me limiterai au premier.
Le chrétien apprend d’abord comment se laisser régler par le Christ.
Il apprend comment voir dans les angles morts des relations justes avec les autres. C’est tout autant un défi redoutable qu’une très belle mission. Défi car il engage le croyant à aller dans les profondeurs de sa vie intime avec le Christ pour y chercher le meilleur. Belle mission car malgré les peines, les efforts positifs sont infiniment plus grands que les insatisfactions voire parfois déceptions.
Revenons à la question d’angles morts et celle du regard à poser sur eux.
Le chrétien doit voir non seulement ce que les autres voient. Si il n’y a aucune distinction dans le regard, le chrétien n’a pas seulement aucune utilité pour la vie des homini. Par la même il se disqualifie en tant que chrétien dans son utilité interne caractérisée normalement par une aspiration pour le ciel qui passe par le regard de vérité posé sur lui même et sur l’autre, essayant de voir comme Dieu voit. Il doit donc voir ce que les autres ne voient pas forcément ou pas du tout, ou alors ce que les autres ne voient plus.
Par exemple dans le vent de panique causé par la pandémie, se révèle des attitudes de protection telles qu’elles ressemblent plus à l’ostracisme pur et simple qu’à un geste de protection solidaire dans le respect de la dignité de homo bonus qui existe en chacun. Et ce vent atteint aussi le chrétien qui est de chair et d’os, comme tout le monde. Mais c’est au chrétien de lutter contre un tel enferment, d’abord en lui-même et puis auprès des autres. La solidarité à laquelle il est ainsi appelé est celle dans laquelle il rejoint tant d’autres. En effet il n’y est pas seul dedans et tant mieux, mais il doit sûrement y être.
Dans tous les angles morts horizontaux, il doit dénicher les misères que les autres ne voient pas. Il s’y emploie tout autant que pour mettre en valeur les richesses parfois aussi invisibles pour le commun des mortels que les premiers, voire plus.
Verticalement il aura à relayer tout cela à Dieu qui peut tout tout seul, mais qui se retient pour nous laisser agir librement dans le sens de son plan de salut, par notre intermédiaire, car ainsi il peut déjà beaucoup. Libre, Il nous laisse libres.
Sur le plan purement humain, matériel, charnel, tant de belles choses existent sans que cela soit relayé à Dieu. Tous les acteurs connus et surtout inconnus mais effectifs et efficaces sont si nombreux qu’aucune bibliothèque même à stockage aux moyens modernes donc virtuels mais pas moins réels n’aurait pas suffi pour la contenir.
Comment nous nous laissons imprégner de leur présence quasi totalement inconnue, anonyme? Comment cela nous nourrit-il dans notre vie de foi, dans notre prière d’action de grâce et de louange? Comment cela nous relie concrètement avec les autres, ceux qui sont à nos côtés quelque soit leur bord politique, idéologique, religieux ou autre?
Comment toutes ces relations ordinaires et quotidiennes prennent-elles de l’épaisseur avec une profondeur du regard de plus en plus pénétrant, pour dénicher de vraies richesses à partager tout autant que les vraies misères à recueillir, prendre en compte et alléger, soulager voire transformer en lieu de vie pleine des promesses déjà en cours de réalisation?
Le bon regard de homo bonus c’est le double foyer avec une bonne vision de près, et avec une bonne vision de loin, largement à la ronde et surtout dans les angles morts de la vie des autres. Guéri de tout strabisme, myopie et d’autres cataractes, le chrétien est attendu au coin de la rencontre, une belle rencontre entre les homini.
Bon dimanche et à bientôt.