Si proches, si lointains, la pandémie modifie beaucoup de choses dans notre vie et nous sommes encore bien loin de savoir ce que cela va concrètement signifier pour chacun d’entre nous individuellement et dans nos cercles d’appartenance familiale, professionnelle, relationnelle, communautaire, sociétale, économique, politique….
Aujourd’hui je voudrais vous livrer quelques réflexions qui sont comme souvent le résultat de mes méditations personnelles quotidiennes, liées à la présence de l’intrus qui s’invite dans nos vies et nous oblige à en modifier leur cours. Parmi les innombrables effets, surtout secondaires de la pandémie, se trouve la modification de nos liens avec ceux qui nous sont proches et qui souvent deviennent paradoxalement encore plus proches alors que d’autres restent trop éloignés.
Dans ce type de situations se trouve celle de la relation entre les parents et leurs enfants, surtout ceux qui sont partis du foyer familial pour faire des études secondaires ou supérieures à l’étranger. En temps ordinaire c’est le lot plutôt normal des expatriés. Mais c’est alors que la pandémie exacerbe certains traits d’un tel éloignement. Si vous êtes dans ce cas, vous comprenez mieux que quiconque ce que cela peut vouloir signifier.
Par exemple vous êtes parvenus à faire en sorte que votre progéniture réussisse le concours d’entrée pour intégrer l’école de ses rêves (et des vôtres probablement). Tout semble sur la meilleure des voies, car l’essentiel est obtenu, pour le reste l’intendance suivra. Pour ce qui est des conditions matérielles les parents semblent pouvoir assurer et les enfants leur en ont généralement gré, si ceci n’est pas manifesté immédiatement, c’est en léger différé, mais tout de même.
Pour ce qui est de leur capacité à assumer la nouvelle situation, plusieurs éléments entrent en ligne de compte. Naturellement ils sont ouverts aux nouveautés et l’expatriation les prédispose généralement à en tirer un bon profit.
Mais la différence se situe sur un autre plan, car leur réussite dépendra de la combinaison de deux facteurs. Combinaison de la rigueur, pour lutter contre le laisser aller que la vie estudiantine offre comme espace de liberté, parfois aux accents de défouloirs stupides voire dangereux d’un côté et leur mental soutenu par plusieurs facteurs dont celui d’une spiritualité déjà solidement ancrée dans leur vie, en devenant une référence autour de laquelle la vie d’adulte se construit de l’autre.
Les parents veulent surtout cela en accompagnant leurs enfants dans une croissante autonomie de près mentalement et affectivement, de loin géographiquement. Ça c’est pour le temps ordinaire, mais la pandémie s’invite comme un facteur nouveau, et souvent bien que pas toujours, aggravant dans une telle situation nouvelle, marquée d’attentes mutuelles qui peuvent fragiliser la relation.
Dans ce contexte la séparation vient au delà de ce qui pouvait être envisagé, redouté en temps normal. Il ou elle est coincé dans une chambre d’étudiant à Paris, à Londres, New York où Montréal, dans l’impossibilité de sortir, quarantaine oblige. Les contacts par téléphone se multiplient alors pour recueillir les doléances et rassurer tout en s’assurant que tout va plutôt bien.
Car l’enjeu est de taille: comment maintenir le niveau de vie optimale dans le sens le plus noble du terme. C’est comme pour le chômage, il y a plus de chances de retrouver du travail si le moral est bon et si on est entouré des gens qui sont un véritable soutien; plusieurs associations sont créées dans ce but et de nombreux chrétiens (Dieu merci pas uniquement eux) y participent activement.
Pour les enfants qui sont ainsi mis en difficulté compter sur les parents est bien naturel. C’est parfois l’occasion de clarifier des relations qui, d’incertaines voire d’instables, se transforment peu à peu en plus profondes signant l’amorce de la sortie de l’adolescence et de ses turbulences. Pour les parents c’est l’occasion de s’occuper d’eux de façon plus rapprochée, alors qu’en temps normal, ni eux ni surtout leurs enfants n’en ressentaient pas autant le besoin.
C’est douloureux des deux côtés, mais c’est grâce à ce type d’expérience que l’on grandit des deux côtés et ce qui pouvait être considéré comme un obstacle majeur à la vie normale, devient alors un facteur positif de développement humain et par conséquent d’un meilleur vivre ensemble. Mais il y a plus, car la pandémie qui provoque la séparation avec certains proches et les rapproche seulement mentalement, dans d’autres cas elle provoque également un rapprochement inattendu physique et mental avec d’autres.
C’est le cas de ceux qui se trouvaient coincés chez leurs parents ou grand- parents, et c’est alors que des deux côtés on profite d’un tel rapprochement. Quelle découverte mutuelle, que de pouvoir passer du temps ensemble et le bénéfice est réciproque. Par exemple les grands parents enfermés en quarantaine plus longtemps que prévu et le petit fils réfugié chez eux à la campagne pour échapper au confinement dans les conditions citadines.
Et alors, il prend soin d’eux, et eux s’attachent à lui de façon nouvelle, bien plus forte, profonde et durable. Dure est alors la séparation, il leur manque bien plus que d’ordinaire. Ils ont vécu ensemble deux mois ou plus ce qui ne leur était jamais arrivé avant et ils se sont découverts mutuellement dans leurs richesses respectives. Richesses devinées un peu lors de toujours trop courtes périodes du temps de retrouvailles lors de vacances ou à l’occasion de passage chez les uns ou les autres. Mais jamais à ce point.
Derrière les gros nuages il y a toujours le soleil. Le dimanche, c’est le jour du soleil, en anglais le jour est nommé comme tel. C’est aussi pour nous les chrétiens l’occasion de revisiter cet espace temps unique de la semaine pour savoir quel soleil s’y cache, derrière les nuages de nos préoccupations, et comment il peut nous éclairer, nous réchauffer, nous guider. Aujourd’hui c’est le dimanche de la Sainte Trinité.
Bon dimanche donc et par conséquent bonne semaine.