« Sicambre, adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré. »

 

I.Brûler et adorer : les faits y compris légendaires.

Un petit livre sur saint Remi, offert par un ancien de France, m’a donné l’envie de faire un podcast. Mais pas sur mon saint patron, qui pour le rappel était évêque métropolitain de Reims (Marne) à partir de 461, pendant plus de 70 ans, jusqu’à sa mort à l’âge de 96 ans, après un long apostolat en faveur des pauvres et d’une Église plus structurée ; il a réorganisé la vie religieuse de son diocèse et de sa province et conféré le baptême à Clovis (autour de 496), fondateur du royaume des Francs.

 

Ce podcast est bien entendu en lien avec saint Remi, mais par le biais du baptême de Clovis. C’est donc tout naturellement Clovis qui va concentrer notre attention lors de la description du contexte historique qui prépare le terrain sur le sens de la formule de baptême utilisée à l’époque : « adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré. » 

Le binôme brûler et adorer est le pivot de cette réflexion. L’idée qui germait lors de la lecture, et qui n’est qu’une réactivation d’une bien ancienne interrogation de théologien sur la non-permanence de certaines convictions religieuses qui se détachent du noyau dur de la foi et deviennent inutiles, alors qu’elles semblaient nécessaires (parfois comme un mal nécessaire ?) pour désormais être rendues caduques, absconses, dépassées, voire franchement dangereuses. 

Ce binôme brûler et adorer constitue donc le pivot ou le fil conducteur de ce podcast pour regarder de plus près l’inversion entre brûler et adorer. 

 

A cette occasion, il s’agit de montrer comment le christianisme a évolué sur certains points de sa doctrine. Doctrine est à comprendre dans le sens de la compréhension de certaines données liées à la foi chrétienne et donc à la pratique de la religion. À quoi est-elle due, cette évolution et comment est-elle accueillie par les fidèles ? Qu’est-ce que cela nous dit de la religion chrétienne, de sa façon d’aborder les influences extérieures, de les rejeter à une période de l’histoire et de les intégrer à une autre. Pourquoi ?

 

Lors du baptême de Clovis, l’évêque prononce les fameuses paroles en usage à l’époque, comme le note Flodoard :

 

« Baisse la tête, avec humilité, Sicambre, s’écria l’éloquent pontife, adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré. »

 

Le nom Sicambre donné à Clovis signifie son identité païenne et renvoie à l’appartenance à un peuple germain qui était, durant l’expansion et la consolidation des frontières de l’Empire Romain à l’époque de César, ballotté entre les deux rives du Rhin, souvent causant des malheurs aux Romains, mais souvent aussi étant victime de malheurs causés par les Romains. 

 

Photo 1 : Building Sicambria

 

Un livre anonyme de 727 Liber Historiae Francorum prétend qu’après la prise de Troie, 12 mille Troyens conduits par le chef Priam sont partis en Pannonie (Hongrie) sur la rivière de Don tout près de la mer Azov où ils auraient fondé la ville de Sicambria. Après les problèmes avec Valentinien (4e siècle) qui les appelait Francs, ils sont partis sur les rives du Rhin. Une belle légende que les témoignages historiques de la présence des Sicambres sur le Rhin attestent déjà à l’époque de César et les fouilles archéologiques le confirment. Ce qui est intéressant d’observer, c’est de savoir qu’aux VIII et IX siècles se forge l’identité de saint Empire Germanique, dont les Francs avaient une part prépondérante dans sa création et dans sa structuration, via notamment Charlemagne.

 

Les historiens connaissent Clovis (le nom vient du germain hold, illustre et wig, bataille, combattant) qui n’a jamais porté ce nom, probablement pas plus que celui que Grégoire de Tour lui attribue, Chlodovechius, mais peu importe. Il devient « roi » de Tournai à l’âge de 16 ans, ce qui n’a rien d’extraordinaire pour l’époque, mais qui veut dire ipso facto chef de guerre. Le petit roi de Tournai est devenu une grande puissance en Occident. Pour l’en féliciter, l’empereur de Constantinople le nomme consul romain (honoraire), ce qui le remplit de joie. Puis vient le baptême qui ne l’empêche pas pour des raisons politiques de massacrer les restes de sa parentèle franque qui risquent de faire de l’ombre à ses héritiers. Son pouvoir se fait sentir du Haut Danube aux Basses Pyrénées.

Les faits historiques, dans la mesure où l’on arrive à les établir de façon certaine, sont souvent enrichis par des “faits” provenant de légendes. Parfois, les rapports entre les faits et les légendes s’inversent au profit des légendes dont on a besoin pour alimenter la construction de l’identité d’un peuple. Les malheurs qui en découlent pour les historiens et leur vérité s’inversent aussi (comme entre les Romains et les barbares), mais ne disparaissent pas. Comment cela éclaire-t-il l’inversion entre brûler et adorer appliquée à la religion, mais vécue dans le corps d’un roi baptisé, qui demeure guerrier ? 

 

Flodoard rapporte :

« Après avoir confessé le symbole de la foi orthodoxe, le roi est plongé trois fois dans les eaux du baptême, et ensuite, au nom de la sainte et indivisible Trinité, le Père, le Fils, et le Saint Esprit, le bienheureux prélat le reçoit et le consacre par l’onction divine. Alboflède aussi et Lantechilde, sœurs du roi, reçoivent le baptême, et en même temps trois mille hommes de l’armée des Francs, outre un grand nombre de femmes et d’enfants. Aussi pouvons-nous croire que cette journée fut un jour de réjouissance dans les cieux pour les saints anges, comme les hommes dévots et fidèles en reçurent une grande joie sur la terre.

 

Cependant, poursuit l’auteur, une grande partie de l’armée des Francs refusa de se convertir à la foi chrétienne, et demeura quelque temps encore dans l’infidélité, occupant le pays au-delà de la rivière de Somme, sous la conduite d’un prince nommé Ragnachaire, jusqu’à ce qu’enfin, par un nouveau coup de la grâce, Clovis ayant emporté de glorieuses victoires, Ragnachaire, impi et adonné à tous les vices infâmes, fut livré tout enchaîné par les Francs, et mis à mort. Alors tout le peuple franc se convertit au Seigneur par les mérites de saint Remi, et reçut le baptême. »

 

Le petit livre dont vient cette double citation fut édité il y a peu, mais contient essentiellement la traduction du latin en français d’un ouvrage écrit au dixième siècle, cinq siècles après les faits relatés (comme si l’on voulait présenter François I), par Flodoard de Reims, né à Épernay vers 894, un historien, chroniqueur et poète d’expression latine de l’époque carolingienne. Flodoard est mort en 966, l’année du baptême d’un autre roi, Mieszko premier, celui de Pologne. Le livre de Flodoard est entièrement consacré à la vie de saint Remi.

 

Après ce développement sur le double contexte, celui du livre et celui de l’histoire dont le christianisme est partie prenante, regardons de plus près ce binôme brûler et adorer sous les angles suivants : celui de la conversion, celui des difficultés objectives, pour déboucher et ouvrir sur la relation plus apaisée avec le monde extérieur.

 

II Brûler et adorer : essai d’analyse historico-théologique

1.   Conversion 

Brûler ce que l’on a adoré et adorer ce que l’on a brûlé constitue le principe de base de toute conversion, signe d’un changement radical de vie. Et pourtant, si les résistances à une telle radicalité s’expriment, ce n’est pas forcément uniquement à cause d’un manque de foi et de la volonté de rompre avec le passé. L’exemple le plus éclatant est celui de la destruction par l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie au IV siècle, ou encore la tradition aussi en Égypte, mais pas seulement, de frapper les images et représentations en métal ou dans la pierre…, représentant des idoles, dont la religion chrétienne avait en horreur, pour les effacer du regard. C’est bien plus violent que de recouvrir maladroitement les polychromies de sainte Sophie de Constantinople transformée en mosquée. Parmi tant d’autres.

 

Les pertes de l’héritage culturel en Égypte par exemple sont incommensurables. Et cette tradition (obligation) se poursuit partout dans les civilisations y compris la nôtre, dans notre modernité qui frappe d’une vindicte irrévocable la présence des objets, témoins d’un passé encombrant. Est-on dans un même mouvement lorsque dans la controverse, on bataille contre les signes religieux dans les lieux publics qui sont réservés à tout le monde et surtout à ceux qui ne sont d’aucune religion ? Si cela ne concerne que des personnes, dont la présence est encore plus gênante. Toute conversion (religieuse ou pas) est à ce prix-là.

 

Si cela se poursuit pour des raisons d’intérêts visant l’unité des peuples et de leur territoire, à chaque changement de frontières, les déplacements des populations s’accompagnent de l’effacement des traces de leur présence autre que celles désormais seules mises en avant. 

 

Pourquoi le christianisme a emboîté le pas à toutes les civilisations, empires, peuples qui fonctionnent de telle façon, bien naturelle pour les stratégies politiques ? Sans doute, pour se faire une place au soleil ! Est-ce suffisant comme argument pour justifier une telle compromission ? Est-ce conforme avec les principes mêmes d’une religion qui se veut au service de Dieu via le service du prochain, et pas au service d’un royaume terrestre ? Qu’est-ce qui reste alors de la fonction de conscience collective qui détecte les dangers pour la dignité humaine, telle que définie dans la Bible et ainsi alerte et même prémuni contre de telles bassesses, si elle-même y tombe, avec qui plus est, la bénédiction des chefs spirituels ?!

 

Dans la religion comme partout ailleurs, on s’accommode et on avance.

 

C’est une illusion de penser que les peuples étaient radicalement tournés vers le sens religieux de leur existence, comme le chante le prophète Isaïe : « Peuples qui marchaient dans les ténèbres, ont vu la grande lumière se lever ». Et qu’ils ont suivi docilement cette lumière.

Qu’est-ce qu’ils ont vu ?

Sinon ce qu’ils espéraient voir, la réussite immédiate, le salut, la résolution de leurs problèmes, de la gestion terrestre de leurs affaires. Pour être tournés vers l’avenir, comme le prophète le suppose, il leur aura fallu de la profondeur de vue de leur propre histoire pour s’en sortir, non pas par une fuite en avant, mais par la réalisation d’une promesse, donnée comme sûre de sa réalisation. 

 

C’est après s’être fixé en Palestine, pays de Canaan, que les peuplades composites de sémites, sous l’impulsion des pères de la nation (Abraham et Moïse) finissent par s’y installer, davantage dans une identité d’appartenance commune que dans un territoire fixe. C’est leur identité d’appartenance qui sera leur propre salut. Et la terre deviendra une confirmation, une sorte de consécration, une justification même pour s’y maintenir. Les invasions subies, les déportations et autres malheurs causés par les influences extérieures ne feront que renforcer cette conscience. La notion théologique du reste d’Israël, considéré comme noyau dur du peuple, car resté fidèle, est née dans ce contexte, dont jaillira la figure du Messie tant attendu, pourtant refusé, car pas conforme aux attentes. 

 

La sédentarisation permet de fixer ce qui était portatif. On se souvient du colonel Kadhafi, invité par le Président de la République Française, à installer dans le jardin de l’Élysée sa tente de bédouin pour marquer sa différence et ses origines. En invité, il ne pouvait pas effacer tout ce qui n’était pas conforme à sa culture propre. Et pourtant il a bien signifié qu’il devait montrer comment brûler ce que l’on adore et adorer ce que l’on brûle. À chacun son équation. Mais dans un monde policé cela ne se fait pas, et surtout lorsque l’on est invité. Mais lorsque l’on s’invite de son propre chef, par force ou par ruse, on fait ce qu’on veut. 

 

Parfois avec le plaisir malin d’humilier ; des exemples sont innombrables. Cromwell dans la cathédrale de Galway en 1666 avec les chevaux, ou les européens au palais de Pékin pour une même “parade militaire”. Effacer des traces par humiliation n’est que le prémice d’autres moyens d’action. Les Talibans à Palmyre et ailleurs, à qui le tour ? 

 

La solution radicale pour signifier la conversion est la plus facile en théorie, mais en pratique pleines de difficultés réelles. Le fond commun à l’humanité, sa propension pour ce genre d’actions, le christianisme y trempe. Ce à quoi le christianisme s’est laissé entraîner avec parfois une « bonne » conscience, bénédictions à l’appui.

2.            Brûle et adore, la difficulté de l’inversion.  

Changer ses habitudes est très difficile. Déjà on est pris de court par la météo qui change et au début d’une vague de froid, on la prend à la légère, alors que lorsque soudainement il fait chaud, on résiste aussi tout au moins un peu au changement de température. Après le déménagement dans une autre ville de la région, qui n’a pas gardé le même garagiste pour la voiture et le même coiffeur pour la beauté.

Après l’introduction par le pape Jean-Paul II du cinquième mystère Lumineux du Rosaire, j’ai toujours du mal à l’intégrer. C’est vrai aussi pour les réflexes de prière et de la messe hebdomadaire pour célébrer le jour du Seigneur. Combien de temps prendra l’apprentissage de la nouvelle formule du Notre Père (« ne nous soumets pas à la tentation » remplacée par « ne nous laisse pas entrer en tentation »), de même pour la traduction revisitée du missel en français.

 

Et encore sur un autre terrain. L’autre soir, après avoir dîné chez un couple franco-coréen, les adieux se font sur le seuil, à la sortie. Je suis dehors, ils sont à l’intérieur. Soudain, tout en le faisant, je me suis mis à penser que cela n’était pas une bonne chose, car selon le vieil adage polonais, qui est une superstition, faire des adieux sur le seuil de la maison est une très mauvaise chose, cela porte malheur. Pareil pour le chat noir etc. Je me suis alors rendu compte que malgré tant d’années de foi chrétienne, je n’ai pas encore tout nettoyé. Restent actifs tant de sentiments, pensées etc, connexions, les choses qui aux yeux de la foi chrétienne n’ont aucune valeur. Mais, il ne suffit pas de le décréter. Il faut encore l’intégrer, comme un médicament, pour qu’il fasse son effet.

 

Brûler et adorer, l’inversion qui peut s’apparenter à une juste punition. Les mauvaises croyances du passé se laissent extirper le mieux possible par les bonnes pensées du présent. Pour que Sicambre puisse le réussir, il lui fallait une bonne dose de détergent pour brûler ce qui devait l’être. Et faire valoir ce qu’il a toujours, au mieux, mis de côté, sinon combattu de toutes ses forces. Le pauvre Ragnachaire a payé le prix d’une mauvaise obstination, lui qui sans doute voulait passer pour un vrai guerrier, dont la soumission à une puissance invisible lui était abjecte. Mais le vent de l’histoire a tourné… en sa défaveur.

 

Le christianisme s’est toujours accommodé de bien des circonstances, en opportuniste, plus que profiteur véritable ; l’aménagement portant sur les habitudes déjà mises en place repose sur le même ressort que toute résistance au changement. L’exemple du baptême est à cet égard bien éclairant.

Dans le Nouveau Testament, il y a deux sortes de baptêmes, au nom de Jésus et au nom de la Sainte Trinité. Plusieurs églises protestantes, à la faveur du renouveau spirituel qui touche le christianisme surtout au XIX siècle, et surtout en opposition à l’Église catholique pour s’affirmer dans sa propre identité, adoptent le baptême au nom de Jésus. 

 

L’argument en faveur de cela est fondé sur la distinction entre les noms et les titres appliqués aux trois personnes de la Trinité. Le nom dit la nature profonde, intime de la personne, le titre est une pure distinction en fonction du rang social, de la compétence professionnelle. Le Père, le Fils et le Saint Esprit ne sont pas des noms, mais des titres. Selon cette vision, le baptême au nom de Jésus est le seul valable, car Jésus a un nom, son identité profonde, unique est connue. Est-ce que le Père et l’Esprit Saint, pas plus que le Fils, ne sont pas connus intimement ? Si, sans doute.

Pourtant, la théologie trinitaire du baptême ne doit pas balayer d’un revers de main cette argumentation, mais la prendre au sérieux comme une mise en garde contre une chosification latente des trois personnes de la Trinité, ce qui résulterait d’une projection imaginaire prédominante. Or, dans ces trois désignations, il s’agit bel et bien des noms au sens de la désignation de l’identité propre de chacune de trois personnes de la Trinité. Jésus est « distributeur » ultime d’une telle révélation et du Père et de l’Esprit Saint, et de lui-même. « Celui qui me connaît, connaît le Père ». C’est facile de brûler ce qui ne convient pas, plus difficile d’adorer ce que l’on a brûlé.

 

Brûle et adore fondamentalement concernent le passage du paganisme au christianisme, comme dans le cas de Clovis, mais concerne aussi les églises chrétiennes séparées les unes des autres par les murs, comme celui constitué par le baptême, ou encore du signe de la croix que les catholiques font et les protestants ne font pas. En règle générale, les faits précèdent les justifications. Il fallait se distinguer par quelque chose de facile à constater.

 

Dans le cas de Jeanne d’Arc, l’ironie de l’histoire a fait que, à défaut de la faire persuader d’inverser le binôme brûle et adore, c’est elle qui fût brûlée, la faire disparaître primait sur croire à sa vérité. Comme pour beaucoup d’autres.

 

3.            Une relation apaisée ?

Pour Patrick Demouy

Professeur émérite d’histoire médiévale à l’Université de Reims et à l’Institut Catholique de Paris,

« L’absence de contrainte est ce qui ressort aussi de la conversion – d’ailleurs progressive – du peuple franc. Quand la conversion du chef est uniquement politique, celle du peuple est imposée par la loi. Cujus regio, ejus religio dira-t-on plus tard. Clovis a cheminé longtemps, il a donné l’exemple. Dans les récits de la vie de saint Remi, on ne voit pas l’évêque lancer de prédication véhémente contre le paganisme, détruire des temples ou renverser des idoles. La prédication de la foi ne justifie pas l’exercice de la violence. Il faut laisser agir le Verbe. » Brûle et adore, tout avec « tact », pourrait-on conclure.

 

Le tact est une stratégie parmi tant d’autres. En effet, la prédication de la foi ne justifie pas l’exercice de la violence. Il faut laisser agir le Verbe. Et ça prend du temps.

C’est seulement au XXe siècle que l’on observe la prise en compte de l’héritage culturel, tout comme l’héritage génétique, pas nécessairement hostile au christianisme. La création et l’homme au milieu d’elle, certes marquée par le mal, sont naturellement porteurs des valeurs, dont le christianisme n’a pas à rougir. Au contraire, à les prendre en compte en les « invitant » à une heureuse résonance mutuelle. Et l’évolution sociale qui résulte en plein ou en creux de cette, certes, pas toujours heureuse résonance, pourtant suggère au christianisme, que l’autonomisation de l’expression humaine à l’égard de lui-même et à l’égard de toute religion, malgré tout, permet de voir des choses que la religion ne pouvait, ne voulait pas voir. 

 

L’exemple de l’attention portée à la souffrance causée par une orientation sexuelle en est un parmi bien d’autres. La juste attitude de l’Église catholique se cherche encore, le pape François qui a ouvert la brèche dans le dispositif des bénédictions et des malédictions, semble inviter à adorer ce que l’on a brûlé et brûler ce que l’on a adoré. Pas plus que Jean d’Arc n’a mérité d’être brûlée, le bûcher encore chaud préparé aux personnes à l’orientation sexuelle atypique est destiné à disparaître. Mais cela dépendra du vent de l’histoire qui va, oui ou non, attiser le feu qui couve toujours sous la cendre. Le christianisme serait-il donc partie prenante de ce vent de l’histoire, ou au contraire, fort de sa propre prise de conscience, si celui-ci souffle dans la mauvaise direction, sera-t-il capable de le faire taire, ou tout au moins de le faire atténuer ?

 

Carpe diem, dans lequel semble se réfugier pour atténuer leur souffrance, ceux qui se sentent marginalisés à bien des titres. Une fois couplée avec l’espérance chrétienne, dont semble émaner l’attitude (laxiste ?) à l’égard des comportements “déviants”, cela donne le droit d’espérer quelque chose de bon pour la vie quotidienne en lien avec la foi. Un “hédonisme” qui pourrait en naître n’est pas du goût de bien des chrétiens, ni de la doctrine qui traditionnellement (les épîtres de saint Paul sont claires là-dessus) fait brûler ce que les autres adorent. Même s’ils sont membres de ce corps qu’est l’Église. Une purification par le feu, sans faire dans le détail, est un triste privilège des guerres et des tyrannies. 

 

Le christianisme n’est en guerre que contre le mal dont résulte le péché, mais sans aucun doute ni contre le pécheur, ni contre celui qui se sentirait marginalisé, sans pour autant être affublé du péché, ou serait considéré par d’autres comme nuisible, donc comme quelqu’un à marginaliser. L’inclusion de la religion chrétienne se vérifie sur ce terrain aussi. La mise en garde contre le syncrétisme est très active dans le christianisme. Il lui reste à insuffler l’Esprit de Dieu qui clarifie le regard et purifie l’haleine.  

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  • FRANCS

Comme il l’expliquait en 2016, « un nombre écrasant de nez ont été délibérément ciblés. Une tête en basalte noir de Germanicus, neveu de l’empereur Tibère, conservée au British Museum, montre un nez clairement ciselé, probablement au même moment où les premiers chrétiens gravaient une croix sur le front de ce portrait païen ».

  • Les Sicambri sont aussi présents dans la mythologie des Francs.