I.Introduction
Au commencement était François. Il a voulu partager sa vue avec les autres. Il créa le synode sur la synodalité. Tout en prenant acte de l’autonomie de celui-ci, il a vu que quelque chose n’était pas selon sa pensée. Il a décidé de faire recours à l’article 49,3. Mais les opposants étaient déjà nombreux depuis le début de sa réforme. Ils se constituent alors en force organisée pour combattre les bourgeonnements d’une nouvelle hérésie, la pire qui soit, celle qui vient du sommet même de l’autorité, ce qui arrive parfois dans d’autres royaumes, eux terrestres, là ça arrive au royaume créé de toutes pièces (ou presque) selon le plan Extraterrestre pour gérer les affaires de l’Éternel sur terre.
Au commencement était la diversité qui a mis des couleurs à la terre qui, avec une heureuse audace, se regardait dans le miroir du ciel. Oh, que c’est joli ! s’écria le premier être vivant apparu sur la planète terre, la parole lui fut donnée comme moyen pour s’entendre dire : je suis quelqu’un qui compte aux yeux de l’Éternel. Et il se démultiplia en nombre et en diversité physique et mentale. Contrairement au plan initial, la différence devient source de concurrence et de conflit.
Au commencement était la foi en la Vie que rien ne ternit, la foi s’est organisée en croyances, les croyances ont fait appel aux religions et les religions se sont constituées en royaumes, dont certains ont disparu entre-temps. D’autres cherchent de l’autonomie dans l’autonomie, par rapport non seulement à l’Éternel, qui la leur a octroyée dans l’acte de création en se retirant lui-même pour laisser de la place à sa création, mais surtout, ils cherchent de l’autonomie à l’égard de ceux qui Le représentent. Les affaires de la terre contre celles de l’Éternel sur terre, car celui-ci n’a pas renoncé à s’intéresser à ce qui s’y passe. Directement ou indirectement impliqué, c’est toujours trop, l’accès à l’âge adulte de l’humanité passe par là. Ainsi naquit une nouvelle foi, celle des convictions fondées sur l’expérience vitale qui les a vues naître et la nourrit, dont les vestiges se trouvent dans l’expression pleine d’étonnement qui est constat sans appel : Ma foi ! Avec le point d’exclamation.
En cours de route, les convictions se sont enrichies des apports fournis par les opinions. Les opinions sont devenues puissantes, servant de levier des changements pour revendiquer partout le droit à l’autodétermination, ce n’est plus un commencement, c’est un commandement nouveau que je vous donne, disent d’une seule voix les commanditeurs des opinions.
Il y eut un nouveau venu qui annonce une nouvelle ère, celle de l’Intelligence Artificielle : AI était son nom, mais il n’est que précurseur d’un autre, dont il n’est pas digne de délier les courroies de ses sandales, il annonce la venue de celui qui doit venir, HA (Humanité Augmentée). Ce dernier a révélé que tous étaient appelés à le suivre, ce que déjà les prophètes du bonheur avaient annoncé et avaient fait entrevoir.
II. Paysage du débat
C’est dans ce contexte, -celui d’une évolution générale où les constructions mentales traditionnelles s’effondrent, tout en essayant de résister comme elles peuvent, pour laisser place à de telles nouveautés-, que le pape François se tient au milieu d’une tempête ainsi provoquée, qu’aux yeux de certains, à son tour lui-même alimente.
Pour contextualiser la nouveauté absolue que constitue l’autorisation de bénir des couples homosexuels, deux points de départ : celui du synode et celui du pape.
Le premier, celui du synode (octobre 2023) se solde par la renonciation pure et simple, rejet de la bénédiction des couples homosexuels :
« L’autre nouveauté de cette première étape synodale, est la mise sous le boisseau de la question de la bénédiction des couples homosexuels dont le mot n’apparaît nulle part. Le terme « LGBTQ+» qui apparaissait dans «l’instrumentum laboris», le document de travail initial du synode n’a même pas été retenu dans le rapport final. Le texte parle plutôt de « personnes qui se sentent marginalisées ou exclues de l’Église en raison de leur situation matrimoniale, de leur identité et de leur sexualité et qui demandent également à être entendues et accompagnées, et à ce que leur dignité soit défendue » ».
(Citation. Avenir de l’Église : le rapport du Synode rejette la bénédiction des couples homosexuels et reporte la question du célibat des prêtres par Jean-Marie Guénois le Figaro
C’est la première de quatre propositions majeures du «rapport de synthèse» de la première étape du synode sur l’avenir de l’Église, présentées samedi 28 octobre dans la soirée à Rome, suivie de trois autres : -report à long terme d’une éventuelle abolition du célibat sacerdotal, -remise en cause du pouvoir exclusif de l’évêque au profit d’une «coresponsabilité» du gouvernement ecclésial avec les laïcs, -large ouverture pour donner des responsabilités aux femmes, mais dont le statut reste à définir.
Alors que le pape considère cette retenue comme un faux départ, à moins qu’il ne considère ces deux voies, la voie synodale et la sienne, comme étant parallèles et pour une (grande) part autonome l’une par rapport à l’autre, surtout la sienne, celle que sa fonction papale lui permet, il siffle un second départ.
« Il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales, afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage », énonce le texte daté du 18 décembre 2023.
Que s’est-il passé entre-temps ?
Au début d’octobre 2023, cinq cardinaux conservateurs avaient publiquement demandé au pape François de réaffirmer la doctrine catholique sur les couples gays, mais le document final du synode, comme déjà mentionné, avait laissé cette question brûlante de côté. En 2021, le Vatican avait déjà réaffirmé considérer l’homosexualité comme un « péché » en confirmant l’impossibilité pour les couples de même sexe de recevoir le sacrement du mariage. Tout en s’expliquant, visiblement le pape continue d’aller son chemin.
Je ne suis pas journaliste d’investigation, mais simple vulgarisateur, je n’ai ni mission, ni envie de chercher à tout prix à comprendre les motivations du souverain pontife, en termes de délai d’une telle publication, sans tarder, six semaines après la première phase du synode, sans attendre les conclusions de la fin des travaux qui se poursuivront l’an prochain. Il est évident que le pape y pense depuis longtemps. Je n’ai donc pas mené d’enquête auprès de mes relations qui auraient pu me renseigner à partir des bruits de couloirs. Je me base uniquement sur les mêmes sources que tout le monde, qui sont disponibles, d’accès public, cela me suffit, je l’espère, pour comprendre et présenter le plus simplement et le plus clairement possible les détails et les enjeux de cette décision.
Fiducia Supplicans est une déclaration issue du Dicastère (l’équivalent d’un ministère) pour la Doctrine de la Foi, signée par le préfet (ministre), puis par le secrétaire pour la section doctrinale et approuvé par le pape lui-même, y apposant sa signature : Ex audiencia Die 18 décembre 2023 François. Le titre, selon la tradition Vaticane, vient des premiers mots du document publié en latin, Fiducia supplicans veut dire confiance suppliante (du peuple de Dieu…), qui donne le ton au document. Il s’agit d’une confiance qui se fait suppliante de la part du Peuple de Dieu en attente active des bénédictions divines. La confiance suppliante n’est pas celle de tout le peuple de Dieu, elle est loin d’être acquise.
En effet, incités par le pape à suivre le chemin qu’il indique, nombreux sont ceux qui ne veulent pas courir le risque de se trouver en manque de carburant constitué de motivation, de foi même. Ils ne veulent pas courir le risque de passer la ligne rouge qui sépare la vérité du mensonge. Le pape aura beau plaider en faveur d’une contextualisation de formulations de vérités, pas de ce qui constitue le noyau dur de la vérité qui n’est pas dissécable. Rien n’y fait, il est accusé de suivre des modes, gauchistes qui plus est, qui l’entraînent loin de Dieu et de sa loi. La bataille rangée est ouverte.
C’est une fronde dans plusieurs épiscopats, surtout aux États-Unis, en Afrique (Malawi, Zambie), et dans certains diocèses d’Ukraine, certains évêques polonais y mettent des bémols en pointant le caractère ambigu des formulations du pape qui prêtent à confusion, (j’y reviendrais plus loin).
On évoque trois dangers majeurs :
-la dévalorisation de la notion de péché comme garde-fou de la distinction entre ce qui est moralement licite et ce qui ne l’est pas,
-la banalisation des situations irrégulières et
-le scandale ainsi provoqué.
Tout le monde est d’accord (et ce depuis toujours) sur le fait que la dimension pastorale corrobore la dimension doctrinale. Pour les opposants au contenu de la déclaration Fiducia Supplicans, à cause des implications doctrinales et pastorales, dont le caractère néfaste ou pas clair par manque de rigueur dans le raisonnement est clairement dénoncé, les distinctions établies entre le pêcheur et le péché ne suffisent pourtant pas. De fait, cette distinction nécessite d’être encore et encore précisée. Les Écritures fournissent des éclairages nécessaires, (cf. Jean 9 etc), mais ne peuvent pas statuer dans les détails ce qui relève du discernement singulier.
S’agit-il de mettre en avant toute situation pécheresse de ceux qui sont en situation irrégulière ? Le pape ne le préconise pas, bien au contraire, et il explique pourquoi. Le pourquoi se fait comprendre dans la distinction entre les bénédictions liturgiques et celles qui ne le sont pas. Les bénédictions liturgiques sont dispensées dans le cadre d’une célébration régie par un rituel, c’est le cas des bénédictions liées aux sacrements qui requièrent la qualité morale, c’est-à-dire être en état de grâce assuré par le sacrement de la réconciliation, sauf pour le Baptême, ou la réconciliation prend forme de renonciation au péché et au mal.
Considérer ceux qui sont en situation irrégulière comme étant avant tout des pécheurs, c’est mettre l’accent sur la nécessité absolue de leur faire changer radicalement la vie. Le pape, en acceptant leur état, sans pour autant viser directement leur changement, semble en effet approuver leur situation comme tel, est-ce pour autant synonyme d’approbation de la situation au point de la bénir elle-même ? Il n’en est rien. Certes l’accueil pastoral, et donc dans la charité du Christ prime, mais pas au détriment de la vérité, condition indispensable pour envisager une “efficacité” de la bénédiction. Les bénédictions envisagées sont celles qui se déroulent dans l’attitude de chercher auprès de l’Éternel du secours pour vivre mieux, sans préconiser leur changement radical en termes de rupture totale avec la vie ainsi débarrassée d’une “telle déviance”. C’est comme avec les missions chrétiennes qui traditionnellement ont construit la présence chrétienne en détruisant l’environnement culturel local, ou alors en s’accommodant difficilement ou de mauvaise grâce, dont on s’éloigne de plus en plus au profit d’une mission d’inculturation, chrétiennement acceptable.
Même en prenant toutes les précautions pastorales nécessaires pour ne pas mettre en avant la condition de pêcheurs qui demandent la bénédiction pour leur couple, faudrait-il qu’ils se présentent en qualité de pêcheur pour pouvoir envisager les bénéfices tirés de la bénédiction des couples hétérosexuels en situation irrégulière et homosexuels ? Sont-ils pauvres, reconnus comme tels par l’Église, qui à ce titre les entoure de sa sollicitude, parce qu’ils sont aussi pécheurs ? Toute irrégularité est-elle nécessairement liée à la situation pécheresse ? Qui plus est, la situation ne suffit pas pour que la confession libère les personnes concernées dans le sacrement du pardon. Ce n’est pas la ligne de raisonnement adoptée dans le document. Et ça fait grincer les dents de ceux qui ne peuvent pas entendre de telles considérations.
Mais nous ne sommes pas ici, ni moi, ni vous, ni quiconque, je l’espère, pour compter les points et se réjouir d’une sacrée panade dans laquelle semble se trouver le guide suprême de la chrétienté et ses troupes, la longue marche chrétienne au travers de l’histoire bimillénaire risque d’être fortement ralentie dans les montagnes hostiles à la vision claire que l’on a sur une plaine fertile et hospitalière.
Le synode sur la synodalité met au centre, les pauvres et donc vulnérables. Cela semble être un fourre-tout formidable où se retrouvent pêle-mêle, les immigrés, les sans-abris, les femmes engagées dans l’Église, les homosexuels etc. Où s’arrêter, car de nous tous l’on peut dire, pauvres-de-nous, mais sans aucun doute, il y a des pauvres qui sont plus pauvres que les autres.
Le rapport final insiste particulièrement sur la convergence comme facteur synodal de l’Église et de sa mission. Évidemment c’est mieux que la divergence, qui peut devenir contre-productive. Pour mieux comprendre le contexte, il vaut mieux recourir à une recommandation qui de façon centrale résume pratiquement tous les propos du Synode sur la synodalité:
“Approfondir le lien entre la collégialité épiscopale et la diversité des points de vue théologiques et pastoraux.”
C’est par là qu’il faut aller pour trouver des chemins nouveaux de la précision du regard sur des situations particulières. Les théologiens dogmaticiens, moralistes, juristes etc ne sont plus tranquilles, car sommés d’aller à la périphérie de leur manière traditionnelle de travailler. De mettre le regard (positif) sur les situations qui sont pour le moins ambiguës n’est pas chose facile, surtout si l’on a le profil psychologique qui pousse dans la direction d’une précision totale, extrême, par laquelle et dans laquelle tout s’explique, car y est contenu. La décision du pape les fait sortir de leur zone de confort pour les faire partir avec un compas et une boussole qui remplacent la tranquillité de croyances acquises et des lois qui les gèrent.
III. Document et sa vie
Dans cette partie, un peu plus technique, je présente le contenu détaillé du document et le résumé des réactions.
Toute l’argumentation en faveur de l’ouverture à de telles bénédictions repose essentiellement sur les Paroles de Saint Paul qui constate : “En ceci Dieu prouve son amour pour nous; Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs” (Romains 5,8)
no8 : Les bénédictions peuvent être considérées comme l’un des sacramentaux les plus répandus et en constante évolution. Elles conduisent en effet à saisir la présence de Dieu dans tous les événements de la vie et nous rappellent que, même dans l’usage des choses créées, l’être humain est invité à chercher Dieu, à l’aimer et à le servir fidèlement. C’est pourquoi les bénédictions ont pour destinataires des personnes, des objets de culte et de dévotion, des images sacrées, des lieux de vie, de travail et de souffrance, des fruits de la terre et du labeur humain, et toutes les réalités créées qui renvoient au Créateur et qui, par leur beauté, le louent et le bénissent.”
D’un point de vue strictement liturgique, la bénédiction exige que ce qui est béni soit conforme à la volonté de Dieu telle qu’elle est exprimée dans les enseignements de l’Église.
Sans pour autant exiger la même chose que ce qui est exigé pour la réception des sacrements (être en état de grâce), plus que les dispositions optimales, c’est la charité pastorale qui prime.
Deux sortes de bénédictions sont présentes dans la Bible, descendante : que le Seigneur te bénisse et te garde… (Nb6,24-26) et ascendante : Le vieux Siméon qui tenant dans ses bras le nouveau-né Jésus bénit Dieu pour ses merveilles (Luc 1,64). Jésus lui-même encourage cette pratique qu’il pratique souvent, bénissant les enfants (Mc 10,14), il bénit son père, le pain et le vin et ses disciples avant de les quitter pour le ciel. Le pouvoir de bénir est conféré à l’Église.
La bénédiction est une demande d’aide adressée à Dieu dans l’esprit d’ouverture à la transcendance pour vivre mieux. “Les bénédictions deviennent ainsi une ressource pastorale à valoriser plutôt qu’un risque ou un problème.” Il n’y pas à faire une analyse exhaustive de la situation morale comme condition préalable. “Nous sommes plus importants pour Dieu que tous les péchés que nous pouvons commettre, car Il est père…” (no 27) “même s’il vit dans des situations qui ne sont pas conformes au plan du Créateur, a des éléments positifs pour lesquels il peut louer le Seigneur.” (no 28)
Le document cite la prière de la messe tirée du Missel romain : « Dieu éternel et tout-puissant, dans ta tendresse inépuisable tu combles ceux qui t’implorent bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ; répands sur nous ta miséricorde en délivrant notre conscience de ce qui l’inquiète et en donnant plus que nous n’osons demander » (XXVIIe Dimanche du Temps Ordinaire). Combien de fois, en effet, à travers une simple bénédiction du pasteur, qui par ce geste ne prétend pas sanctionner ou légitimer quoi que ce soit, les personnes sous les effets d’une telle bénédiction peuvent faire l’expérience de la proximité du Père, « bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs » (no 34)
Éduquer la sensibilité des pasteurs à d’autres formes de bénédictions que celles qui sont dans le rituel, est selon le document une des priorités pour accompagner pastoralement des bénédictions. Cela permet aussi de mieux comprendre que les évêques n’ont pas pour vocation de gérer tout par des règles.
Une telle bénédiction peut trouver sa place lors de la visite d’un sanctuaire, la rencontre avec un prêtre, une prière récitée en groupe ou lors d’un pèlerinage.
Dans la ligne de ce qui vient d’être dit, le document se termine par cet avertissement :
Ce qui est dit dans la présente Déclaration sur la bénédiction des couples de même sexe est suffisant pour guider le discernement prudent et paternel des ministres ordonnés à cet égard. En plus des indications ci-dessus, on ne doit donc pas attendre d’autres réponses sur les motivations ou dispositions pour réglementer les détails ou les aspects pratiques quant à des bénédictions de cette sorte. (41)
Voici plusieurs constats qui se dégagent du contenu du document :
1. La bénédiction non sacramentelle a sa place dans la vie de la communauté chrétienne. Sa légitimité se trouve dans la Bible.
2. Elle ne peut être réservée à certaines catégories de personnes, contrairement aux bénédictions sacramentelles, leurs bénéficiaires n’ont pas besoin d’une qualité morale.
3. Seul le désir de se mettre sous le regard de Dieu pour implorer sa grâce pour vivre mieux suffit pour la recevoir.
4. La bénédiction de ce type n’est pas liturgique comme le sont les bénédictions sacramentelles, elle doit rester comme un acte dépourvu de tout formalisme que le rite impose.
5. Pour éviter toute confusion, la bénédiction ne serait jamais faite en lien avec un sacrement (mariage etc).
6. Nécessité à former les prêtres (et les évêques ?) à la charité pastorale.
7. La vie de l’Église déborde les cadres réglementaires.
8. Par rapport au mariage sacramentel, les autres formes d’union ne réalisent le mariage que partiellement et par analogie, mais le réalisent tout de même.
9. La formulation de la vérité est toujours liée au contexte, d’où le besoin constant de discerner entre essentiel et secondaire.
10. Les situations particulières demandent une attention particulière, le pape cite saint Thomas d’Aquin : “plus on descend dans le particulier, plus l’indétermination augmente”.
Les oppositions concernent des points suivants :
1. La tradition ne connaît pas des habitudes pastorales pareilles.
2. C’est contraire aux dogmes : homme et femme il les créa pour porter le projet de Dieu. Le reste est moralement à réprouver.
3. C’est une porte ouverte à la banalisation du péché dans un lien intime d’union non sacramentelle.
4. Décision qui provoque le scandale et risque d’entraîner le schisme.
Ce que l’on peut dire, de mon point de vue.
1. Au-delà de l’accusation d’être une idée fixe du pape, c’est une suite logique qui s’inscrit dans sa vision, bien que ferme sur les dogmes, ouverte quant à la charité pastorale.
2. Cette ouverture s’applique aussi à la question d’interprétations des formulations du Magistère, l’exemple d’un document du pape Nicolas V qui en 1452 légitimait l’esclavage.
3 La notion d’une bénédiction non liturgique mérite tout de même d’être précisée
4. Tout en évitant de culpabiliser, le fait de voir l’union non sacramentelle et à plus forte raison homosexuelle comme péché ne pourra qu’éveiller les soupçons sur la pureté de l’approche de l’Église, y compris dans de telles bénédictions non liturgiques.
IV. Pour terminer sans conclure.
Dieu bénit tout le monde, ceux qui sont sous la loi (laquelle fait connaître le péché), comme ceux qui ne sont pas soumis à cette loi. Toute la question est de savoir si, quand et comment faire comprendre à ceux qui ne connaissent pas la loi, sans les faire culpabiliser, mais accompagner, mais sans obligation de résultat. Une prouesse pastorale, mais rien n’est impossible à Dieu…
Deux difficultés se présentent alors :
Comment envisager que les non baptisés sont des pêcheurs, puisque du point de vue de l’Église qui les accueille, c’est dans cette “qualité” de pêcheurs qu’ils viennent demander la bénédiction ?
Comment envisager aussi le rapport au péché des baptisés qui n’ont aucune formation chrétienne de leur conscience et qui, s’ils viennent à demander une bénédiction, c’est, certes comme les non baptisés, pour vivre mieux sous le regard bienveillant de la Transcendance, mais ne voyant pas où ils pourraient être dans le péché.
Dans les deux cas, ils l’apprennent à cette occasion.
Au-delà de la stigmatisation plus ou moins involontaire, sans aucune possibilité de les faire progresser, vouloir les amener à une vie chaste, comme on le cherche dans tous les lieux où un tel accueil se pratique, n’est finalement qu’une illusion. Nous sommes bien au-delà des qualifications moralement répréhensibles. L’humain n’a pas encore dévoilé toute la complexité dont il est pétri, habité, hanté, et qui est accueillie avec plus ou moins bonne ou mauvaise grâce (sf saint Thomas d’Aquin “plus on descend dans le particulier, plus l’indétermination augmente”)
L’opinion publique (la différence avec le point de vue, c’est pour une autre fois) frustrée et désireuse d’une revanche de la part de la société civile sur une institution bien étrange, religieuse comme l’Église, colporte des opinions qui font plaisir. L’Église par la voix du Pape cherche à être de plus en plus conforme à la charité du Christ. Elle prend le risque en ouvrant la boîte de pandore de diviser l’intérieur et encore une fois de décevoir l’extérieur. Les attentes ne sont jamais purement désintéressées, mais ce n’est pas une raison pour ne pas les prendre en compte. Dans toute attente, comme partout ailleurs, il y a toujours une part de vérité.
Ce n’est pas à l’Église de se conformer aux exigences de la société, c’est à la société d’apporter de la lumière pour aider l’Église, pauvre et fragile, comme son maître, de se laisser guider, là aussi, pour grandir dans sa mission, dont le bénéfice pour la société sera d’autant plus précieux. C’est à l’Église d’ouvrir les portes. L’Esprit de Dieu est à l’œuvre partout. Tout en brouillant parfois les cartes, il ne joue pas au poker, mais à la chasse au trésor.
FIN
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Envisager que les non baptisés sont des pêcheurs est contraire à l’enseignement de saint Paul qui dit au sujet de la loi de Moïse qu’elle, “ne donne que la connaissance du péché” (cf Rm 3,20 b). Alors que la citation phare (Rm 5,8) du document Fiducia Supplicans, est employée dans une phrase du pape François qui constate que “Père nous a bénis, “alors que nous étions encore pécheurs””. Cette partie de Rm 5,8 “Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs” est enrobée dans le texte de l’introduction du document qui à la fin cite le pape. D’abord citons l’ensemble : “La confiance suppliante du peuple de Dieu reçoit le don de la bénédiction qui jaillit du cœur du Christ à travers son Église. Comme nous le rappelle avec insistance le pape François “la grande bénédiction de Dieu est Jésus Christ, c’est le grand don de Dieu, son Fils. C’est une bénédiction pour toute l’humanité, c’est la bénédiction qui nous a tous sauvés. Il est la Parole éternelle, avec laquelle le Père nous a béni “alors que nous étions encore pécheurs” (Rm 5,8) dit saint Paul : Parole faite chair et offerte pour nous sur la croix”. La note qui accompagne cette citation renvoie à la source de la citation du pape : Catéchèse sur la prière : la bénédiction (2 décembre 2020), L’Osservatore Romano, 2 décembre 2020, p.8. Or, Rm 5,8 dit “Mais en ceci nous prouvons son amour pour nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs” (traduction de la TOB). Le lien entre le constat que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs avec la bénédiction qui en découle ne semble pas s’imposer immédiatement, ce que je sais, c’est que malgré un éloignement en apparences difficilement réconciliable, par extension, on peut appliquer cette notion de bénédiction à l’œuvre du salut.
Convergence de points de vue et pas celle des opinions, même si…
Voici un post envoyé en 2014 trouvé sur l’Internet:
“J’ai reçu un mail de l’inspection ou revient cette distinction entre opinion et point de vue ; mais, cette fois, cette distinction est explicitée :
Pour mémoire, nous rappelons qu’une opinion ne peut faire l’objet d’une approche argumentée : elle se réduit à une affirmation subjective. Par exemple, « le bleu est la plus belle des couleurs ». Un jugement personnel, au contraire, se construit ; il est susceptible d’être partagé au terme d’une démarche argumentative.
J’ai ma réponse (ou presque, parce que je trouve toujours cette distinction difficile à faire).”
J’ignore de quelle inspection il est question, et à la limite peu importe, mais si cette inspection est académique, c’est sans doute pour discuter des opinions dans le domaine de convictions religieuses, qu’on aura toujours du mal à classer dans les points de vue argumentés.
Si le point de vue est amarré empiriquement sur la réalité vécue et partageable avec d’autres sur une autre base que celle selon laquelle la couleur bleue est la plus belle, ceci résulte d’une démarche argumentaire mettant en valeur par exemple les effets de la couleur bleu sur le sentiment de bien-être scientifiquement prouvé. L’opinion serait alors plus proche d’une intuition que d’un raisonnement construit. Sans que cela ne nous entraîne trop loin dans la réflexion sur leur différence (ce qui nécessiterait non seulement un podcast lui dédié exclusivement, mais tout un travail scientifique qui est sans doute déjà fait quelque part et auquel on pourrait se référer pour avancer dans la meilleure compréhension de la différence), concluons provisoirement que la distinction est utile, car féconde d’une mise en perspective d’une approche la plus objective possible trouvée plutôt dans le point de vue de ce qui est considéré comme raisonnablement partageable. Un formidable défi pour le sentiment religieux par exemple, pour savoir comment l’opinion est un substrat de ces points de vue qui généralisent l’expérience particulière, subjective pour les doter d’une puissance inspiratrice d’un changement.
Si cette nuance (avec toute la faiblesse qu’une telle distinction représente), peut échapper au grand public, il est dommageable pour la clarté d’information transmise de la part de certains médias, qui ne se réfèrent qu’aux sondages d’opinions, ce qui par ailleurs étant utile pour prendre la température de ce que pense le peuple, mais demeure infiniment insuffisant pour rendre compte de la totalité du contenu du message qui souvent est complexe, ce que l’on n’aime pas, car ce n’est pas bien vendable.