Propos recueillis par Catya Martin et Anne-Claire Poignard
Hong Kong, vous y aviez déjà tourné, pourquoi avoir souhaité y consacrer un nouveau numéro d’Echappées Belles ?
Hong Kong fait partie de ces destinations dans lesquelles on a envie de revenir. Je suis venue pour la première fois en 2007, c’était 10 ans après la rétrocession de l’archipel à la Chine. Je suis revenue il y a 10 ans. C’est la troisième fois que j’y tourne. J’ai essayé de tirer plusieurs fils : « comment Hong Kong arrive-t-elle à maintenir ses traditions tout en regardant vers l’avenir ? ». « Comment, quand on est Français, on regarde cette destination ? ». Hong Kong est souvent considérée comme un lieu de transit, une escale. Mais c’est un voyage en soi.
Y a-t-il une rencontre qui vous a particulièrement marquée ici ?
On a rencontré la cheffe May Chow qui tient notamment le restaurant Little Bao. Elle vit à Hong Kong, sa cuisine est reconnue à l’international, elle a participé à de nombreuses émissions de télévision. Elle a remporté le prix de la meilleure femme chef d’Asie en 2017. Elle est mariée à une jeune femme et elle se bat pour la diversité et l’indépendance des femmes. Elle incarne un visage très moderne de la jeunesse hong-kongaise.
Vous avez vu la ville changer ?
Oui. C’est intéressant de voir comment la société évolue. Dans la perspective du Nouvel An chinois, j’ai assisté à des danses du lion. Des jeunes femmes pratiquent désormais ces danses. Historiquement, elles n’y étaient pas autorisées parce que le fait qu’une femme ait ses règles est encore jugé impur par certains maîtres. Il y a une évolution culturelle sur quelque chose d’ancré et de très traditionnel.
Vous vous intéressez aussi au regard des expatriés ?
On aime commencer l’émission avec des Français installés dans le pays. On a notamment rencontré Myriam Bilbault qui fait partie du Cheeseclub. Elle est Française et elle est fromagère à Hong Kong ! On a fait avec elle une cérémonie du thé agrémentée de fromages. Je me suis dit : « choc des cultures, c’est intéressant ! »
Comment travaillez-vous sur le terrain ?
Nous travaillons en équipe. Pour ce numéro, je suis sur le terrain avec Mathieu Despiau qui est réalisateur et David Lemeunier deuxième caméra et droniste. Nous avons préparé l’émission avec David Attali, fixeur installé ici. Lui travaille en amont sur la prise de contacts. Depuis Paris, on fait une sélection et David nous accompagne sur le terrain. Il nous permet une interaction plus facile avec les gens : il parle cantonnais. Je lui demande des conseils sur des attitudes, des habitudes. Ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Le fixeur a les clés culturelles. Sur 10 jours, nous réalisons les plateaux, toute la partie incarnée de l’émission et pour compléter le tournage, nous faisons appel à notre journaliste Antonin Broutard. Lui vient réaliser les reportages. Ses sujets sont dans la continuité de mon voyage.
Echappées Belles va fêter ses 20 ans, comment définissez-vous le concept de l’émission ?
J’espère qu’elle permet aux gens de voyager par procuration. L’ADN c’est la rencontre. Que nous soyons en Auvergne, en Alsace, en Italie ou à Hong Kong, nous sommes là pour partager avec nos intervenants leur savoir-faire, leurs traditions, des tranches de vie. C’est à travers les gens que nous rencontrons qu’on apprend à découvrir une destination. On n’a pas la prétention d’être un documentaire. Parfois les gens nous disent : « on est frustrés, on n’a pas assez découvert la destination ». Certes. Vu le monde un peu anxiogène dans lequel nous vivons, parler « voyage » sans polémique, parler « rencontre » sans essayer de mettre des questions politiques au milieu de tout cela, ça fait du bien. On peut juste avoir envie de s’émerveiller sur le monde, aller vers les autres sans en avoir peur.
Votre signature c’est aussi votre chapeau ?
Je vais vous révéler mon secret ! Au départ, je le portais par confort parce que j’ai une peau très claire et que je suis un peu intolérante au soleil, donc je me protège, c’est aussi simple que cela. Petit à petit, c’est vrai que c’est devenu une signature. Quand je ne l’ai pas, on me dit : « tiens c’est bizarre, elle est où Sophie ? ». C’est devenu un style. Je porte plein de chapeaux et de casquettes dans la vie !
D’où vous vient votre curiosité pour l’ailleurs ?
Je suis née à Lille, j’ai grandi à la campagne dans le Beaujolais et mes parents étaient bordelais. Dès mon plus jeune âge, j’ai découvert de nombreuses régions en France. Nous étions 4 enfants, avec mes parents cela faisait six, il y avait le chien… Pour partir en vacances, ce n’était pas évident ! En grandissant, j’ai eu envie d’élargir le cercle, d’aller dans la première grande ville qui était à côté. J’ai fait mes études à Lyon puis j’ai rejoint Paris. Petit à petit à travers le travail, ce cercle a grandi. J’ai commencé à France 3 d’où ma passion pour les magazines de découverte. Puis j’ai été sollicitée par la chaîne Voyages et un jour, un rêve s’est exaucé : celui de faire des émissions pour France 5. Ce rêve s’est exaucé avec la création d’Echappées Belles il y a 20 ans.
Quel bilan tirez-vous de ces 20 ans de reportages ?
Je mesure la chance que j’ai de faire ce métier. Souvent je rencontre des gens qui me disent : « Tu as un job de rêve, c’est génial ! ». Oui mais c’est aussi beaucoup de travail. Partir aux quatre coins du monde, c’est une organisation. L’émission est un rendez-vous pour le public. Elle est diffusée le samedi soir en première partie de soirée sur France 5. Je me dis toujours que c’est extraordinaire quand les gens me confient : « j’ai voyagé grâce à toi », « j’ai regardé Echappées Belles pour voir par où tu es passée », « j’ai contacté ton guide parce qu’il avait l’air sympa ». C’est un échange de bon procédé entre les spectateurs et nous. On permet aussi à ceux qui n’ont pas les moyens de voyager de s’évader. Cette émission c’est une fenêtre ouverte sur le monde.
Quels sont vos prochains projets de tournage ?
Changement de décor radical pour le prochain numéro ! Je pars début février pour un tournage dans les 3 Vallées. Je chausse les skis et les raquettes pour une émission à la montagne.
Et quand vous ne travaillez pas, qu’est-ce que vous faites ?
Je reste à la maison, je cuisine, je vais au théâtre, je visite des expos. Je vis entre Paris et Marseille avec une famille dans la région lyonnaise. Bizarrement pour une grande voyageuse je suis un peu casanière !