Même si c’est bien déjà après l’Olympiade de Paris, les Paralympiques sont toujours présents dans mes dossiers.

Alors que l’on s’apprête à célébrer le énième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, et un autre, deux fois plus court, celui de la chute du mur de Berlin, une pensée particulière aux situations des blessures s’impose.

Je vous les propose par l’entremise d’une réflexion sur les résonances ressenties des Jeux paralympiques à Paris, en août septembre dernier.

Le militantisme idéologiquement marqué par la promotion sans discernement approfondi sur l’égale valeur de l’impact social de tout comportement marqué par des orientations affectives tous azimuts, que certains ont reproché aux organisateurs de l’ouverture des Jeux en juillet, ne souffre aucune contestation cette fois-ci. C’est à la résonance sociale et à son exploitation idéologique qu’il est question sans pour autant nier, bien au contraire l’égalité de respect et reconnaître la dignité dans différentes orientations. Possibles et imaginables ? Même la société civile se donne le droit de poser des limites. 

A plus forte raison la religion qui peut trouver juste sa manière de considérer la chose. Pour ce qui est du handicap, il n’y aurait jamais assez d’efforts à fournir pour la reconnaissance des mêmes droits à toutes les catégories de personnes avec des différences par rapport à ce qui est considéré comme normal, garantissant l’autonomie la plus complète possible. Et là où le corps et ou la tête ne peuvent pas assurer, la société suppléait. Tout au moins en théorie, dans certaines sociétés plus que dans d’autres. Donc pour les orientations humaines diverses, entrent en jeu les considérations d’ordre éthique, dont de ce point vue-là, est dépourvu la considération positive de tout handicap.

Grâce aux sponsors et aux billets solidaires par exemple, le Secours Populaire a pu offrir à 4000 enfants des milieux défavorisés la possibilité d’assister aux épreuves, certains prenant le train pour la première fois de leur vie. J’ignore comment c’était dans les éditions précédentes des paralympiques, mais une générosité est toujours à portée de la main, il suffit de créer les bonnes conditions pour lui permettre de s’exprimer en faisant le bien pour des bonnes causes.

L’idée des jeux paralympiques est née dans le contexte de l’après seconde guerre mondiale. Chargé de soigner des blessés de guerre, un médecin anglais cherche alors à soulager les souffrances de ses patients, en stimulant en eux l’estime de soi et la combativité, si nécessaires pour dépasser tant d’obstacles physiques et mentaux. L’idée qui germe dans sa tête, dès 1946 est débattue et mise en place, l’initiative rapidement élargie à d’autres sortes de handicaps. Dans les années 1980 toutes les “accréditations” nécessaires pour présenter en parallèle des jeux olympiques modernes pratiqués depuis un siècle déjà, étant obtenues, les jeux pour les sportifs porteurs de différents handicaps peuvent se dérouler de façon similaire. 

Mais, pour des raisons plus ou moins évidentes, les jeux ne peuvent concerner que certains types de handicap. Seulement ceux qui garantissent la faisabilité. 

Je ne connais pas les statistiques pour savoir quels types de handicaps y sont retenus pour les paralympiques. Une autre question était à régler, celle du classement par catégorie, la compatibilité étant le critère sine qua non de participation. Cette question à laquelle sont confrontés les organisateurs des JO dits ordinaires, normaux, à la régulière (que sais-je) en ce qui concerne la distinction entre les sportifs masculins et sportives féminines, le débat sur qui est homme et qui est femme reste encore ouvert tant que les clarifications fondées sur des données scientifiques fiables ne sauront connues. Pour l’instant, ces deux catégories sont prises en compte, on peut tout imaginer dans l’avenir plus ou moins proche.

Certifier des compétitions équitables entre chacun des concurrents, telle est la garantie du système de classification paralympique. Lorsqu’un athlète concourt sur une compétition paralympique, il est au préalable classé dans une catégorie de handicap régie par un système de classification. Cette classification est réalisée par des professionnels du monde médical et technique qui ont pour mission d’évaluer l’impact du handicap sur le geste sportif et la performance de l’athlète. Il n’existe pas de système de classification commun pour l’ensemble des sports, de par leur histoire et la forme de leur pratique, chaque discipline a son système propre.” 

Ainsi, le système de classification respecte une logique commune avec 2 composantes :​

  • Lettre : Elle est composée d’une ou 2 lettres qui font référence au sport, nommé en anglais.
  • Chiffre : Plus le nombre est grand, plus le handicap est léger et inversement. “

Avec le handicap, on entre dans un monde multiple de variétés innombrables de situations classées par catégories, sans oublier tous les cas que les classements en vigueur ne peuvent pas intégrer.

Parmi ceux qui sont « classables », se trouvent la cécité, la paralysie, ou encore le manque d’un membre ou d’une partie de jambe ou de bras. S’y attarder, évaluer, s’adapter, accompagner, susciter de la fierté, passer d’une épreuve à l’autre, de celle du handicap lui-même (de naissance, à la suite d’une maladie ou un accident) à celle de la compétition, l’une et l’autre sans doute différemment mais chacune douloureuse, car après l’effort olympique la satisfaction d’y participer ou gagner une ou plusieurs médailles ne peut que remplir de bonheur qui vient après la joie ressentie juste à l’annonce des résultats. Sans pouvoir oublier le handicap lui-même évidemment.

Durer dans la durée veut dire endurer, et il y a de la dura lex sed lex, de la dureté dans la vie imposée par les lois de la nature, souvent sous forme d’une double-peine. Dureté de la vie imposée par les lois de la société et ce, malgré les efforts réels de l’aide mais toujours insuffisants car, masquant le manque essentiel, celui de l’amour qui ne décrète pas dans aucune action d’aide à apporter mais qui se constate au moment de la relation ainsi nouée.

Les jeux paralympiques, avec leur médiatisation plus que légitime, nécessaire, expose les compétiteurs aux épreuves physiques liées à leur discipline mais surtout renvoie à leur handicap qu’à l’aide de tout un entourage bienveillant ils tentent à dépasser ou plutôt à s’en servir pour se prouver la capacité de le dépasser.

Comment d’une épreuve on peut passer à l’autre, pour non pas s’enfoncer mais pour s’en sortir la tête haute. 

Comment accompagner les personnes, soumises à une telle loi de la nature qui fait peser sur eux un fardeau à vie, pour les aider à diminuer tout au moins la sensation d’un poids qui écrase et ainsi devient tout au moins par moment supportable ?

Les centres d’entraînement créés en Chine, qui a massivement investi dans le handicap sportif, répondent aux besoins de briller sur la scène internationale, ce qui peut étonner c’est de voir que par exemple, les États Unis un pays comparable en termes de potentiel n’affichent pas les mêmes performances, alors qu’ils le font en JO dits ordinaires. Mais l’essentiel est dans l’entraide et l’amour qui s’y exprime. 

Les archéologues viennent de découvrir qu’un tibia cassé a pu être re-soudé, ce qui suppose que quelqu’un d’autre ait pu prendre soin du blessé, ce qui n’arrive jamais dans le monde des animaux. D’après les archéologues, nous disposons (pour le moment) d’une preuve tangible des origines de la civilisation des homo-sapiens. 

Sans les autres rien ne sera jamais possible, encore moins que pour les dits valides.

Près de 4400 sportifs du monde entier (175 pays), dont 1200 de toute l’Europe (27 pays), 239 de France, à noter heureusement que la délégation russe, comme bielorusse, contrairement aux valides, autorisée par les autorités Olympiques y est présente (sous condition, pas de présence á l’ouverture, on est dans quelque chose de non abouti du point de vue formel), l’ukrainienne aussi avec ses handicapés, blessés de guerre y compris. 

Les jeux paralympiques mettent la lumière sur cette capacité de l’humain à soutenir le plus faible et même faire valoir sa faiblesse comme source de dépassement de soi ainsi dominé et donc source de force. Tirer à l’arc avec les pieds c’est tout autre chose que du cirque pour amuser et épater, c’est de l’exploit qui ne demande rien d’autre que d’être acté. Surtout les sportifs ne veulent pas être considérés comme héros ou héroïnes, c’est justement ce que certains d’entre eux ont reproché aux commentateurs qui se sont emportés dans un lyrisme lénifiant, mais finalement déconnecté du réel tel que les personnes concernées le vivent et veulent donner à voir.

Dans ce genre d’emphase, il y a parfois de la défense (inconsciente sans doute) de mettre une barrière entre eux et nous. En creusant ainsi le fossé entre nous et eux par de telles exagérations, comme si c’était pour se prémunir d’un sentiment d’appartenance à la même condition humaine et devoir partager et porter leur part de faiblesse, pire, à se laisser révéler une faiblesse chez nous.

Les sportifs paralympiques connaissent bien la valeur bien relative de la victoire que la pratique du sport leur permet de prouver, mais leur quotidien est de nature à les rappeler à la réalité, telle qu’ils vivent, telle qu’ils ont à vivre. Les JO ce n’est tout de même pas la sortie d’un bocal pour prendre de l’air rafraîchissant les bronches. Ce n’est pas non plus une immersion définitive dans le bonheur durable, surtout pour ceux qui gagnent et si possible battent des records. De durables resteront des souvenirs aux couleurs de JO avec ces trois agitos, trois virgules de couleur rouge, bleu et vert, les plus utilisées sur les drapeaux nationaux du monde entier. Leur associer les valeurs de courage, de détermination, d’inspiration et d’égalité, comme c’est fait pour les cinq anneaux olympiques, c’est chercher à outrance sans doute une synesthésie entre les couleurs, leurs formes et les quatre cavaliers de l’Apocalypse, grâce auxquels on peut emporter la bataille finale avant d’emporter leurs cavaliers au ciel bien mérité.

C’est plus simple que pour les couleurs des anneaux dont chacun correspond à un continent, qui furent définitivement fixés sur le papier entre 1912-14, ce qui arrive dès 1920 à Anvers. Le rouge pour l’Amérique, le jaune pour l’Asie, le noir pour l’Afrique, le bleu pour l’Europe et le vert pour l’Océanie. Les considérations plus ou moins ethniques sont à la base du choix des trois premiers. Le blanc étant déjà choisi pour constituer le fond du drapeau, le bleu est attribué à l’Europe comme second choix. De même pour l’Océanie, le choix du vert par soustraction, dont finalement elle s’y fait. L’Europe sans doute aussi.

Six couleurs, toutes fondamentales, sont donc utilisées. 

Les agitos, je bouge, je bouge, je bouge, n’ont pas grande chose à voir avec des virgules, pas plus qu’avec des croissants ou des boomerangs ou encore des serpes sans manche.

Selon les concepteurs, c’est plutôt pour imiter les vagues de la mer qui bougent incessamment que les agitos ont pris cette forme. Que serait en effet la vie sans mouvement des paupières, sans appel d’air et l’absorption du liquide par vagues de gorgées pour irriguer les flux qui la relient avec l’extérieur et réconcilient avec elle-même. 

Mais pour rester dans l’espace tricolore, désormais marquée par les cinq couleurs des anneaux et trois des agitos, dont on voudrait pérenniser la présence sur la tour d’ivoire parisienne et hexagonale, frôlant ainsi l’instrumentalisation du sport et de tout l’événementiel y étant attaché. L’inventivité dont la France a fait preuve, dont sa majeure partie est d’une élégance qui n’a rien avoir avec une idéologie quelconque, mais qui n’a cependant pas su se prémunir des relents idéologiques d’une fulgurance déplacée en entachant ainsi la belle aventure du monde qui se concentre sur un village olympique conçu par des Gaulois dans un village de pêcheurs établie aux abords de la petite rivière, la Seine, qui pendant les Jeux, s’écoulait, comme toujours, tranquillement dans une Manche qui, à défaut de pouvoir (aux dires de certains assez critiques pour le penser) l’expulser, l’accueille froidement comme cela se doit pour une marche vers le Nord. Lutetia se laisse bercer et peut-être berner par des lucioles de la modernité. Avec ses ressources inépuisables, que le village gaulois reste gaulois et sa renommée demeurera. A jamais !? Les mythes incarnés ont la vie longue.

Pour la cérémonie de clôture, comme celle d’ouverture des JO en juillet sous la pluie battante, mais la pluie n’arrête pas le pèlerin. C’est le dimanche 8 septembre avec un bilan plutôt satisfaisant pour la France, la Chine dominant le tableau de deux têtes, un géant à la hauteur de ses ambitions, de ses possibilités aussi. Redonner de l’espoir à tant d’autres handicapés du pays ou d’ailleurs, la réussite n’a pas de frontière et le rêve non plus. 

Alors que tout modestement, ce même 8 septembre est traditionnellement fêtée la naissance de la Vierge Marie, un peu mise sous le boisseau par le dimanche qui prime.

Tout de même, Bon Anniversaire, avec quelques mois de retard, Bonne Maman du ciel et à l’année prochaine. Pour les JO et JP c’est dans quatre ans à Los Angeles, la Cité des Anges.