Si le Dollar a vu son hégémonie consacrée dès les accords de la Jamaïque en 1976, elle l’a pratiquement acquise dès les accords de Breton Woods, en 1944. Une position leader qui a survécu à bien des tumultes, même à la crise de 2008 et l’avènement de la Chine.
La position dominante du Dollar, comme valeur d’échange se vérifie dans les chiffres : la moitié des échanges planétaires, et plus de 60% des réserves sont libellés en dollars. Et même si la monnaie américaine peut être confrontée aux soubresauts de sa politique intérieure, ses avantages collectifs surpassent ses inconvénients.
Ainsi, dès 1944, seul le Dollar était convertible en or, puisque les 3/4 des réserves d’or appartenaient à la banque centrale américaine. Et si l’intangibilité du prix officiel en or (à 35 dollars la once) a provoqué la chute des accords, les Etats-Unis ont refusé la dépréciation de leur monnaie et le rééquilibrage de leur balance des paiements. Et le 15 août 1971, Richard Nixon met un terme à la convertibilité. L’instauration des changes flottants dès 1973 affirme un peu plus la domination américaine. Et souscrivant au paradoxe de Triffin, qui théorisa en 1960, les dangers du passage à un système monétaire international centré sur le Dollar, les Etats-Unis profitent, tout de même, de la position de réserve dominante du Dollar, pour s’endetter auprès du reste du monde.
Et si l’augmentation galopante de l’endettement et le déficit récurrent de la balance des paiements courants n’a pas encore provoqué un recul de la demande de Dollar, la crise du Covid19 pourrait l’amener. La multiplication des plans de relance ; le durcissement des relations commerciales avec la Chine ; et le comportement moins prévisible des Etats-Unis sont autant de facteurs qui pourraient inciter les autres pays à se détourner du Dollar.
Mais c’est avant tout l’endettement total intérieur des Etats-Unis, qui pourrait favoriser cette défiance vis-à-vis du Dollar. Entre 1998 et 2020, il est passé de 220 à 320% du PIB. Et la crise du Covid19 a fait accroître cette progression de 40 points. De son côté, le déficit public est passé de 5 à 15% du PIB entre 2019 et 2021, à la faveur des deux plans de relance de 1 900 milliards de Dollar pour Joe Biden, et 1 700 milliards pour Donald Trump, ainsi qu’un plan de modernisation des infrastructure de 2 000 milliards de Dollars. Enfin, la dette publique devrait franchir la barre des 140% du PIB, contre 117% en 2019. Et si ces plans de relance ne feront qu’accroître le déficit de la balance des paiements, la dette extérieure des Etats-Unis est passée de 10 à 65% du PIB en 2020. Une politique de déficit rendue possible par le pouvoir libératoire du Dollar et de la politique monétaire expansive.
Et que ce soit pour des raisons économiques ou géopolitiques, certains pays ont fortement réduit leurs achats de dettes en Dollars. C’est notamment le cas de la Chine, la Russie ou le Japon. Mais aussi des pays de l’OPEP. À contrario, le Canada, l’Arabie Saoudite et certains pays émergents continuent à le faire. Mais acheter moins de titres en dollars revient à rendre plus difficile le financement de la dette extérieure des Etats-Unis. Cependant, la hausse des taux d’intérêt que cela induira, sera plafonnée par l’action de la Réserve fédérale, qui voudra éviter un ralentissement brutal de l’économie. Ainsi, le taux d’intérêt des obligation d’Etat à 10 ans, est passé de 0,5 à 1,7% en entre juillet 2020 et avril 2021. Et si le Dollars devrait logiquement se déprécier, cela ne se vérifie pas depuis le début de la crise. Il demeure une monnaie de réserve à hauteur de 60%, contre 20% pour l’€.
Les Etats-Unis restent donc la seule puissance disposant de capacités de projection et d’intervention à l’échelle mondiale. Dominante sur le plan technologique, le Dollar bénéficie aussi de la reconnaissance de la Réserve fédérale en raison de la transparence de ses décisions. Trop jeune, l’euro ne peut pas encore concurrencer la monnaie américaine. Mais aussi du fait de la segmentation de sa dette entre de nombreux Etats membres. Enfin, la profondeur du marché européen est bien plus faible que celui des Etats-Unis. Concernant les autres monnaies, le caractère autoritaire du régime chinois nuit à la montée en puissance du RMB. Enfin, les cryptomonnaies sont encore trop marginales. Les opérations quotidiennes en bitcoins ne se chiffrent qu’en dizaine de milliards de Dollars, quand 7 000 milliards de Dollars sont échanger chaque jour. Le risque de déstabilisations du Dollars paraissant donc, encore bien faibles…