Aujourd’hui je voudrais vous faire part de mes réflexions sur les conséquences de la pandémie. Je prend seulement en compte l’aspect social et communautaire du vivre ensemble. En d’autres termes comment la protéine nous force à vivre autrement.
On peut s’imaginer de panneaux d’avertissement du style: Mind the gap, attention aux clivages, la protéine est là! Même quand elle ne sera plus là, ce que l’on espère au plus tôt, les deux slogans seront toujours d’actualité comme un souvenir du temps passé aux conséquences durables.
Cette minuscule protéine nous éprouve dans notre capacité à nous réorganiser. Mais aucun effort fourni dans le but de vivre autrement ne sera vraiment couronné d’effet durable si cette réorganisation n’est pas le résultat de notre nouvelle manière de nous comprendre et nous voir dans ce nouveau monde.
L’assouplissement des règles de confinement est dans la conscience populaire et donc pour certains médias, le synonyme d’un retour à la normale, comme avant. Que le retour à la normale qui se profile soit compris comme une reprise des diverses activités qui nous caractérisent pour exprimer la dynamique de notre vie dans ce qui nous est le plus indispensable (travail, école, vie sociale, engagements bénévoles, repas…) soit. Mais pas comme avant.
Quid de cette expérience de l’arrêt de l’économie, puisque cela entraîne l’appauvrissement général.
Quid de la déstructuration des réseaux d’entraide dans le fonctionnement jusqu’à maintenant, puisque que l’on arrive même pas à répondre aux attentes et besoins ordinaires.
Quid de tous les deuils qui n’ont pas pu se faire en temps normal, alors que c’est déjà tellement complexe d’ordinaire.
Quid de de tout ce dévouement de professionnels de santé et autres assimilés dans le service les plus exposés à la contamination.
Quid de de notre espérance qui d’ordinaire sommeille tranquillement au fond de notre conscience tapie dans des conforts douillets, alors qu’ils ont parfois cessé de nous protéger.
Et la liste n’est pas close.
Que faisons nous de tout cela?
La protéine s’impose avec ses propres lois que l’on n’a pas fini de découvrir pour savoir comment s’en défendre. Et pour s’en défendre nous avons à être à la fois isolés et plus que jamais ensemble. Sanitairement vigilants pour ne pas être la cause de sa propagation, humainement et spirituellement aussi, nous avons à être vigilants pour être unis, en communion même. L’instinct de survie et l’instinct grégaire sont là pour nous indiquer la direction par où aller, pour ne pas périr au premier sens du mot, le plus basic, puisque c’est le cerveau reptilien qui génère ces types de réaction. La dimension humaine et spirituelle dans son expression ultime de notre existence doit en prendre acte, mais pas s’y arrêter.
Pour être unis dans les efforts, pour être unis dans le partage, pour être unis dans les conséquences d’un tel partage et pour être unis dans le repos, nous avons besoin de voir un peu plus loin que notre besoin premier de survie. Le kit de survie doit nous protéger de la protéine, mais il ne doit pas être utilisé pour nous éloigner des autres. Dans les situations de crise on se dépasse et on devient solidaire avec ceux dont on pense qu’ils pourront nous aider, ou (dont nous pensons) que nous devrions aider. Le périmètre de notre sensibilité est toujours bien restreint, mais c’est notre manière de fonctionner, et c’est déjà bien plus profond qu’une réaction épidermique, instantanée, car instinctive.
Dans toutes ces différentes formes de notre existence où nous avons à être unis, dans toutes sans exception, se mesure notre capacité humaine à être ensemble. Mais ce qui est un rêve même chrétiennement inspiré, doit chaque fois être soumis à une analyse lucide, suivant le principe du réel. Le prendre en compte c’est accepter que déjà chacun d’eux est un défi en soi, voire une nécessité pour notre avenir commun entre les peuples, entres les générations entres les riches et les pauvres…..
Partons d’une situation possible.
Quand la misère, de quelque nature que ce soit, regarde par la fenêtre et s’invite chez nous quelle est notre réaction? Appel au secours, l’action visant à faire face par tous les moyens dont nous pensons qu’ils sont bons pour y parvenir.
Quand les Hébreux criaient au secours dans les situations de détresse, ils entendaient (pas toujours!) Dieu leur parler directement ou par la voix du Prophète: J’ai entendu les cris au secours, j’ai vu la misère de mon peuple. Qu’est-ce que Dieu entend et voit maintenant ? Et même s’il est compatissant, pourquoi n’intervient-il pas de façon plus explicite pour faire améliorer la situation ?
La tentation d’un messianisme politique nous guette toujours, c’est un échappatoire pour ventiler le trop plein d’émotions, d’informations, mais cela ne donne pas les résultats escomptés. Certes, nous croyons que Dieu intervient à sa façon que nous ne cessons de découvrir et comprendre. Il intervient à partir de notre coeur et notre volonté de faire sa volonté qui est de nous voir heureux.
M’occuper de ma vie est ma première mission, la seconde est de m’occuper des autres, c’est comme pour les masques à oxygène dans l’avion, lorsqu’ils tombent, l’adulte le met d’abord à lui-même, puis à l’enfant.
La protéine est en train de faire changer le monde. nous pouvons espérer le meilleur comme craindre le pire, pour nous, pour les autres que nous aimons avec lesquels les liens sensibles nous unissent. Nous pouvons aussi nous lamenter sur le sort de tous les pauvres et ceux qui vont le devenir. Nous pouvons envisager plus ou moins sereinement notre avenir avec les revenus amoindris et la liberté de mouvement restreinte.
Adieu trentes glorieuses, pas celles d’après la deuxième guerre mondiale, mais celles qui viennent de s’écouler. Le mur de Berlin tombant ouvrait une brèche dans nos consciences du monde pas encore dans cette stature d’humanité que l’on souhaiterait en Occident dont nous sommes pour la plupart issus.
Aux illusions d’une liberté sans limites succède la dure prise de conscience d’une restriction imposée à notre vie. Nous nous sentons de nouveau muselés, alors que nous aurions aimé reprendre au plus vite les libertés comme avant pour gambader sur les vastes étendues de la consommation qui s’apparente davantage au tourisme hédoniste qu’à la participation à l’œuvre de Dieu.
La protéine mène la danse, tout est subordonné à la loi de propagation pour la contraindre. Aux efforts unis se succèdent et s’entremêlent des forces visant la fragmentation de l’humanité en différents blocs qui se regardent en chiens de faïence et des couches sociales qui par strates deviennent encore une fois de plus en plus étanches. Tous les efforts pour exprimer la solidarité sont énormes et leur générosité exhalent le parfum de la joie de vivre ensemble.
Le chrétien y participe à sa façon, mais il ne peut pas tout ce que parfois, il se met ou on lui met sur la conscience.
Il ne pourra pas arrêter le tourbillon des mouvements contradictoire centrifuges et centripètes qui vont, selon le principe de la gravité, inclure les uns et en exclure d’autres.
Il peut seulement d’abord ne pas perdre son âme, ne pas se perdre dans ce tourbillon que la protéine provoque.
Il peut ne pas alimenter la dynamique d’inclusion au moyen d’exclusion.
Il le peut, et il le fera comme il le pourra, pas dans une pureté absolue d’intentions et d’actions, car ce n’est jamais possible.
Il sera obligé comme d’ordinaire d’accepter cette ambiguïté sans la considérer comme quelque chose de normal.
La conscience doit être d’autant plus aiguisée pour pouvoir identifier la différence entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Le seul référentiel pour nous les chrétiens est dans cette loi d’amour qui galvaudée n’agit pas. Mais revitalisée par la vertue d’espérance, elle devient source et vecteur d’une vie digne, possible dès maintenant. Cette loi peut avoir ses effets partout et peut-être plus particulièrement dans les zones grises de nos comportements, où il faudrait être très attentif au danger d’isolement qui nous guette à cause de la protéine, et pas seulement à cause d’elle.
Mind de gap between the train and platform, entre la vie embarquée dans le train de notre existence et l’endroit où nous voulons nous poser. Et aucune protéine n’aura le dernier mot sur nous et nos rêves de liberté et de paix, car nous serons toujours attentifs ensemble et donc solidaires pour une bonne vie, vie rêvée des anges.
Bon dimanche, bonne semaine et à la prochaine fois.