Une grande joie vient de ce tombeau vide, tombeau qui n’attend qu’à être rempli d’une lumineuse espérance. L’Espérance chrétienne est enracinée dans ce fait extraordinaire qu’est celui de la Résurrection du Christ. L’espérance chrétienne vient de la victoire de la vie sur la mort. Enfin! Mais, est-ce si sûr ?
Nous sommes pétris de contradictions composées d’attentes audacieuses entremêlées d’interrogations profondes. Rien d’étonnant à cela, car remplir l’espace vide de notre vie, nous le désirons, tant qu’à bien faire. C’est notre désir profond de vouloir vivre la meilleure vie possible. Réussir sa vie plutôt que réussir dans la vie, même s’il n’y a pas forcément de contradiction fondamentale entre les deux, tant Dieu nous désire heureux dès cette vie. Remplir donc notre vie, mais de quoi?
La foi chrétienne est une ouverture à la vie plus forte que la mort. Puisqu’elle tient cela de la résurrection du Christ, elle se nourrit de ce souvenir. Souvenir qui, en fait, est une réactualisation de sa, ainsi victorieuse, présence, et qui s’accomplit à travers l’eucharistie. D’où l’immensité de la charge symbolique, et donc réelle, qui relie les choses visibles aux choses invisibles. Cette charge est particulièrement présente dans la messe de Pâques. Y est proclamée la résurrection, et ceci de façon festive, solennelle même, pour être immédiatement suivie de la prière eucharistique et la communion. A une telle proclamation est immédiatement jointe donc l’action qui consiste à célébrer la présence du Christ ressuscité.
Cette année, exceptionnellement, nous ne pouvons pas le faire lors d’une célébration communautaire comme c’est la coutume. Nous ne pouvons pas nous réunir ensemble pour partager en direct une telle joie, une telle espérance, cette victoire. Tout comme nous n’avons pas pu le faire pour le Jeudi saint, ni le Vendredi saint. Pas plus que pour préparer notre coeur et notre âme dans une démarche de pardon et réconciliation…… Il nous reste notre volonté propre de vouloir désirer tout cela au plus profond de nous mêmes et nous limiter à user des moyens de communication à distance, et ceci grâce à la technologie moderne. Mais pour le faire, une bonne compréhension des enjeux par les décideurs d’accès que nous sommes de deux côtés s’impose.
Merci à tous ceux qui en sont de tels facilitateurs; facilitateurs de la circulation des flux entre les membres des communautés religieuses comme la nôtre en ce moment. Merci à tous ceux qui permettent cette bonne circulation aussi entre les différents groupes humains afin de permettre le tissage des lieux de solidarité dont nous avons toujours besoin. Merci à tous ceux qui y prennent part comme vous en ce moment. Nous en avons encore plus besoin dans les moments actuels, assignés aux confinements de toutes sortes.
Les liens sont vitaux pour les être humains que nous sommes. Ils sont inscrits au plus profonds de notre être au travers le désir profond de partager la vie et tout ce qu’elle contient. C’est encore plus vrai pour nous les chrétiens marqués par l’union intime avec ce ressuscité, union vécue de façons diverses. Chaque année, le temps de carême nous permet de nous y préparer aux moyens du regard de plus en plus lucide sur nous-mêmes et notre relation à l’autre; tout ceci à partir du regard que Dieu pose sur nous, lui qui croit en l’homme et sa capacité à lui répondre dans un échange d’amour, en toute liberté, qui engage les deux.
Les fêtes de Pâques commencent avec la Veillée (Pascale!) qui se déroule habituellement durant la nuit de samedi à dimanche. Cette veillée est une plongée dans l’histoire de nos ancêtres spirituels, celle du peuple d’Israël et dans celle du Christ sauveur, fils de Dieu et fils d’Israël. Le Christ y vient accompagné de deux symboles majeurs que sont la lumière et l’eau. Puis le jour de Pâques une immense joie se poursuit dans la journée, qui se prolonge même pour durer toute la semaine qui suit. En effet, durant les huit jours (octave) chaque jour est célébrée la solennité de Pâques.
Cette année, toutes ces fêtes sont célébrées dans la pauvreté des moyens, cependant avec des cœurs d’autant plus brûlants vu les circonstances qui nous plongent dans une ambiance particulière, mais pleine d’espoir, que dis-je, d’espérance. Il y a un an, nous étions si marqués par l’incendie de Notre-Dame de Paris, qui reste une blessure symbolique et sensible pour beaucoup de voir un tel héritage culturel, religieux et spirituel atteint dans sa matérialité visible consumée par les flammes. L’épidémie actuelle, aux allures d’une “guerre mondiale” qu’elle engendre, en provoquant un chaos dans l’organisation de la vie sociale, économique et sanitaire, a son tour nous plonge surtout dans des interrogations profondes sur l’avenir commun de l’humanité.
Reconstruire après le permis de détruire, ce dernier est malheureusement délivré par les circonstances, tout en essayant d’en limiter la casse. C’est notre future tâche commune que d’en prendre acte et procéder à la refonte la plus profonde possible de nos systèmes économiques et sociétaux. Cette tâche qui est à accomplir par tous, pour nous les chrétiens, elle prend tout son sens dans la fête d’aujourd’hui.
Réjouissons-nous de la victoire de la vie sur la mort.
Réjouissons-nous de notre foi et de la force sereine et paisible qu’elle procure.
Réjouissons-nous de notre participation active en vue des solidarités humaines qui apparaissent et que nous pouvons soutenir, voire inspirer et porter avec d’autres.
Notre espérance est une force que nous avons à partager avec tous pour participer aux efforts collectifs de porter ensemble l’humanité. Ainsi éclairée par notre engagement, la gestion de notre maison commune sera notre participation avec tous, mais concrètement avec ceux que nous connaissons ou pas mais avec qui nous nous engageons ensemble. L’union fait la force, le monde actuel est si connecté et interdépendant d’un côté, et si fragile dans ses diverses divisions, fractures, craquelures inquiétantes. Craquelures, comme sur les ossatures de cet organisme que nous formons ensemble sous le nom de l’humanité; humanité, est ce mot qui contient conjointement la désignation d’une espèce vivante et sa destinée commune. Les fissures sur les rustines de nos murs de protection et de séparations nous inquiètent, elle sont aussi une chance pour repartir d’un bon pied un bon matin ensoleillé, comme celui de Pâques qui veut dire passage, mieux, un accouchement dans son origine hébreue.
Pour nous les chrétiens, le royaume de Dieu germe et grandit à partir du dedans de nos cœurs et devient un lieu où il est bon de vivre, et ceci pour tous ceux qui le veulent. Un message de paix, comme tant d’autres, un message qui comporte non seulement l’apaisement, mais la profonde sérénité que seul Dieu peut donner et laquelle lui vient d’une telle espérance qu’est la vie plus forte que la mort.
Nous sommes en union avec l’humanité entière, car unis à ce Dieu qui est capable de briser les chaînes de la mort.
Voici ce que comporte le message de Pâques qui vient d’un tombeau vide, pourtant déjà plein d’espérance.
Voici la particularité chrétienne, voici le partage que nous pouvons en faire pour le bien de tous.
Nous croyons en dépit de la raison purement humaine, mais nous convoquons la raison humaine pour nous expliquer sur ce que nous croyons. En prenant en compte toutes les réalités qui nous composent, ainsi humain veut dire espèce et destinée. Il y a différentes manières de déshumaniser l’homme, il y en a qu’une seule pour l’humaniser. Elle est dans sa liberté lui permettant de soutenir son combat (pour la liberté) par amour. Combat qui se déroule sur les barricades de la défense contre la mort, pour plus de vie, vie digne, vie libre d’aimer, comme Dieu aime.
Joyeuses fêtes de Pâques, et à la semaine prochaine.